Le Roman d'Alexandre le Grand
contenu de leurs jarres à la mer de façon à former
un large sillon d’huile. Puis ils y mirent le feu.
Un serpent de flammes jaillit à la
surface de l’eau, illuminant une vaste étendue. Aussitôt, les trompettes des
subdivisions terrestres sonnèrent l’alarme. La côte fut bientôt envahie de
lumières, des appels retentirent et les subdivisions accoururent à la clarté
des torches. Devant une telle réaction, la flotte perse renonça à son plan de
débarquement, n’osant pas même franchir la ligne de feu. Les navarques
ordonnèrent donc aux équipages de ramer dans le sens inverse.
Quand le soleil se leva, la baie
était vide.
Néarque apprit la nouvelle à
Alexandre.
« Sire, ils sont partis !
Les bateaux perses ont quitté le golfe !
— Quelle direction ont-ils
pris ? demanda le souverain pendant que ses ordonnances agrafaient sa
cuirasse et que Leptine lui tendait son habituel « gobelet de
Nestor ».
— On l’ignore, mais une
sentinelle postée sur le promontoire de Mycale affirme qu’elle a vu la queue de
l’escadre disparaître vers le sud. À mon avis, ils se sont éloignés pour ne pas
revenir.
— Que les dieux t’écoutent,
amiral ! »
C’est alors qu’entra Charylaos, le
commandant athénien, armé de pied en cap. « Qu’en penses-tu ?
interrogea Alexandre.
— J’estime que nous avons eu de
la chance. Quoi qu’il en soit, je n’aurais eu aucun problème à les affronter en
pleine mer.
— Mieux vaut qu’il en soit
ainsi, répliqua Alexandre. Nous avons économisé des navires et des hommes.
— Et maintenant ? lui demanda
Néarque.
— Patientez jusqu’à cet
après-midi. S’ils ne reviennent pas, lancez les bateaux et tenez-vous prêts au
mouillage. »
Les deux officiers rejoignirent
leurs équipages. Alexandre bondit sur son cheval et rejoignit Séleucos,
Ptolémée et Perdiccas pour marcher vers la ligne d’assaut. Il fut accueilli par
le bourdonnement du bélier et le grondement du « tonnerre » de
Chéronée.
Balayant la muraille du regard, le
souverain constata qu’une brèche avait été ouverte et qu’on était en train
d’approcher une tour d’assaut.
« Nous allons porter le coup
décisif, sire ! hurla Parménion pour couvrir le fracas.
— As-tu transmis mes ordres aux
soldats ?
— Oui. Ni massacres, ni viols,
ni mises à sac. Ceux qui enfreindront la règle seront exécutés sur place.
— Les a-t-on traduits à
l’intention des auxiliaires barbares ?
— Oui.
— Très bien. Tu peux lancer
l’opération. »
Parménion fit un signe à l’un de ses
hommes, qui agita par trois fois un étendard jaune. La tour d’assaut reprit sa
marche vers les remparts. Au même instant, on entendit un énorme bruit, et l’on
vit un pan de l’enceinte s’écrouler sous les coups du bélier, soulevant un
nuage de poussière à travers lequel il fut impossible de distinguer les amis
des ennemis.
Puis on jeta un pont sur le sommet
d’un mur et un escadron de Macédoniens s’élança sur le chemin de ronde afin de
repousser les défenseurs qui surveillaient la brèche. Une terrible bagarre
éclata. De nombreux assaillants furent précipités dans le vide du haut des
remparts ou de la passerelle, mais les survivants réussirent à constituer une
tête de pont sur le chemin de ronde. Ils en délogèrent les défenseurs, avant de
concentrer leurs traits et leurs javelines sur les soldats qui occupaient
l’autre côté de la brèche.
Dès que la poussière se fut dissipée,
un escadron d’« écuyers » se glissa à travers l’ouverture, suivi par
des unités d’infanterie d’assaut de Thraces et de Triballes.
Découragés, épuisés par les efforts
surhumains qu’ils avaient dû consentir, les Milésiens commencèrent à reculer,
et les troupes de Parménion pénétrèrent à l’intérieur de l’enceinte.
Un certain nombre de soldats – les
moins riches – se rendirent et eurent la vie sauve. En revanche, imaginant le
destin qui les attendait, les mercenaires grecs et les membres des subdivisions
d’élite s’enfuirent vers l’autre extrémité de la ville. Ils ôtèrent leurs
armures et se jetèrent à la mer, nageant désespérément vers la petite île de
Ladè, où se trouvait un fortin.
Alexandre entra à cheval dans la
ville conquise et gagna aussitôt le côté ouest des murs. De là, on pouvait
apercevoir les fuyards au milieu de la baie. Certains sombraient, vaincus par
l’effort, d’autres
Weitere Kostenlose Bücher