Le Roman d'Alexandre le Grand
les garçons
bombèrent aussitôt le torse. Alors, Memnon se leva pour les embrasser :
« Bonne nuit, mes enfants. Dormez bien, car un long voyage vous attend.
Vous allez voir des merveilles, des palais aux mille couleurs, des lacs et des
jardins fabuleux. Vous mangerez des fruits et des mets raffinés. Vous vivrez
comme des dieux. Allez, maintenant. »
Ses fils lui baisèrent la main,
selon l’usage perse, avant de s’éloigner.
Barsine renvoya les domestiques.
Elle accompagna son époux dans sa chambre, l’aida à s’asseoir dans un fauteuil et,
pour la première fois de son existence, dédaigna la pudeur qui l’habitait
depuis l’enfance : elle se déshabilla devant lui à la lumière rouge et
chaude des lanternes.
Memnon laissa courir son regard sur
la peau ambrée de sa femme, sur le doux ovale de son visage, sur son cou mince
ses épaules rondes, ses seins lourds et turgescents, ses mamelons sombres et
dressés, son ventre lisse, son pubis brillant.
Il lui tendit les bras. Mais elle
recula et s’allongea sur le lit. Tandis qu’il fixait sur elle un regard
fébrile, elle écarta les cuisses avec audace pour offrir à son bien-aimé toute
l’excitation et tout le plaisir dont elle était capable, avant une longue
séparation.
« Regarde-moi, dit-elle, et ne
m’oublie pas. Même si tu couches avec d’autres femmes, même si tu acceptes les
faveurs de jeunes eunuques aux hanches rondes. Rappelle-toi que personne ne se
donnera à toi avec l’amour qui me dévore le cœur et la chair. »
Sa voix était grave, ses mots
dégageaient la même chaleur que les lanternes dont la lumière ondoyait sur sa
peau, aussi sombre et brillante que le bronze, ordonnant les courbes de son
corps comme un paysage enchanté.
« Barsine, murmura Memnon en
ôtant sa longue chlamyde. Barsine… »
Son corps était durci par les
batailles, marqué par les cicatrices, et sa dernière blessure dessinait sur sa
cuisse un long sillon rougeâtre. Mais sa musculature et ses yeux dégageaient
une formidable énergie, une vitalité suprême.
Il s’avança d’un pas chancelant
tandis que le regard de sa femme le caressait longuement, et il s’étendit à ses
côtés. Les mains de son épouse glissèrent sur ses cuisses, se posèrent sur son
sexe, et sa bouche suscita du plaisir partout où elle s’attarda. Puis elle se
plaça d’elle-même sur lui pour éviter qu’il ne se blesse dans la fougue de
l’amour, imprimant à ses hanches les mouvements exténuants de la danse avec
laquelle elle l’avait conquis, le jour où il lui était apparu pour la première
fois dans la maison de son père.
Quand ils s’effondrèrent, vaincus
par la fatigue, une faible clarté commençait à se répandre sur les contours
sinueux des collines de Carie.
16
Le vacarme des coups de bélier qui martelaient sans répit les murailles
de Milet résonnait comme le tonnerre jusqu’aux flancs du mont Latmos, et les
jets de pierres que produisaient les balistes étaient visibles de la mer.
L’amiral perse réunit les
commandants de son escadre sur le château de poupe pour décider de la suite des
événements, mais les rapports de ses officiers étaient décourageants :
lancer dans un débarquement des hommes épuisés par la faim et taraudés par la
soif relevait du suicide.
« Gagnons l’île de Samos,
proposa un Phénicien d’Arad, faisons provision d’eau et de nourriture, puis
rebroussons chemin et débarquons en force face à leur camp naval retranché.
Nous pourrions mettre feu à leurs navires et prendre l’armée à revers sous les
murs de Milet, ce qui permettrait aux habitants de tenter une sortie : les
Macédoniens seraient ainsi Obligés de se défendre sur deux fronts et, qui plus
est, sur un terrain accidenté, ce qui nous avantagerait.
— Oui, je suis du même avis que
toi, approuva un navarque chypriote. Si nous avions attaqué immédiatement,
avant qu’ils ne creusent une tranchée devant leurs navires, nous aurions eu
plus de chances de vaincre, mais nous pouvons encore parvenir à nos fins.
— D’accord, acquiesça l’amiral
perse, puisque ses officiers étaient du même avis. Nous irons à Samos nous
ravitailler en eau et en vivres. Voici mon plan : dès que les équipages et
les guerriers embarqués se seront restaurés, nous profiterons de la brise
marine pour rentrer pendant la nuit et attaquer leur camp naval. Si nous
réussissons à les surprendre, nous l’incendierons et prendrons
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