Le Roman d'Alexandre le Grand
une
demi-journée de marche, dit-il en haletant. Ils sont des centaines de milliers,
leurs feux brillent dans le noir comme les étoiles dans le ciel, leurs cors de
guerre ne cessent de s’interpeller d’un bout à l’autre de la plaine. »
Alexandre se leva et balaya
l’assistance du regard comme s’il s’extirpait brusquement d’un rêve, puis il
dit : « Regagnez vos tentes. Demain, nous franchirons le gué, et
lorsque le soleil se couchera, nous tiendrons un conseil de guerre non loin de
l’armée perse. »
11
Le courant du Tigre était relativement fort, même à l’endroit du gué,
et les fantassins qui tentèrent les premiers de le franchir se trouvèrent bientôt
en difficulté car, au centre du fleuve, l’eau leur arrivait à la poitrine.
Leurs boucliers surtout les encombraient : en position normale, ils
offraient trop de résistance à l’eau, et les hommes étaient alors obligés de
les abandonner ; s’ils les levaient au-dessus de leur tête, ils étaient
déséquilibrés et emportés par le courant.
Parménion donna l’ordre de tendre
deux câbles entre les deux rives et de former deux doubles cordons d’hommes
sans boucliers, reliés les uns aux autres, l’un à l’amont du gué afin de briser
la force de l’eau, et l’autre à l’aval pour leur permettre de rattraper ceux
qui étaient renversés par les flots impétueux. À l’abri de cette barrière
humaine, le général fit passer le reste de l’infanterie lourde. La cavalerie
traversa ensuite le fleuve, précédant les chars qui transportaient le
ravitaillement, les femmes et les enfants. Quand la tête de l’armée parvint en
vue des rangs ennemis au début de l’après-midi, la queue était encore sur la
rive du Tigre, et il fallut attendre la fin de la journée pour que toutes les
forces se trouvent enfin réunies.
Ainsi qu’il l’avait promis, le roi
tint un conseil de guerre après le coucher du soleil. Les deux armées étaient
si proches que les sentinelles macédoniennes pouvaient entendre les appels que
les factionnaires perses se lançaient d’un bout à l’autre de la vaste plaine de
Gaugamèle.
À la tombée du soir, alors que le
premier tour de ronde se mettait en place, on alluma une lanterne sous la tente
d’Alexandre, et l’on vit bientôt se présenter, l’un après l’autre, les
compagnons et les généraux du haut commandement : Coïnos, Simmias,
Méléagre, Polysperchon, derrière Parménion et Cleitos le Noir. Ils saluèrent
tous le roi et l’embrassèrent sur la joue, puis ils se rassemblèrent autour de
la table où les officiers chargés de la marche avaient dessiné le schéma du
plan de bataille. Les divers détachements d’infanterie et de cavalerie étaient
représentés par des pions de couleurs différentes provenant de l’échiquier du
roi.
« Il est presque certain que
Darius lancera ses chars contre nous pour désunir nos rangs et bouleverser la
phalange, commença Alexandre. Mais nous avancerons de biais par rapport à
l’ennemi, qui nous débordera certainement du fait de son écrasante supériorité
numérique, et nous essaierons de contourner la portion de terrain que le Grand
Roi a fait aplanir pour ses chars. Dès que vous les verrez bouger, vous
ordonnerez aux hommes de faire le plus de bruit possible en hurlant et en
frappant leurs boucliers de leurs épées afin d’effrayer les chevaux. Quand
ceux-ci seront à leur portée, les archers et les frondeurs viseront les auriges
et tenteront de les abattre. Cela devrait mettre bon nombre d’entre eux hors
d’état de combattre, mais les chars qui continueront sur leur lancée risqueront
de causer encore beaucoup de dommages. Alors, d’une sonnerie de trompette, les
commandants de compagnie donneront l’ordre de les laisser passer en ouvrant des
couloirs dans les rangs, avant de les frapper dans le dos.
« Quand la charge des chars de guerre
sera terminée, la phalange avancera au centre, précédée par la cavalerie lourde
des hétairoï et des attaquants thraces et agrianes. Je mènerai moi-même la
Pointe à travers la formation de Darius. Il nous faudra enfoncer et isoler leur
aile gauche, converger au centre, pousser Darius et la garde royale des
Immortels contre la phalange. Les bataillons de Cratère et de Perdiccas devront
résister au choc et contre-attaquer. À l’extrémité de notre flanc gauche, le
général Parménion attendra le moment opportun pour assener le coup définitif
avec trois
Weitere Kostenlose Bücher