Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Le Roman d'Alexandre le Grand

Le Roman d'Alexandre le Grand

Titel: Le Roman d'Alexandre le Grand Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Valerio Manfredi
Vom Netzwerk:
vraiment qu’un
million d’hommes nous attend dans ce bout de désert ? demanda Léonnatos,
visiblement troublé. Par Héraclès, je ne peux même pas les imaginer !
Qu’est-ce que ça représente, un million d’hommes ?
    — Je vais te le dire, expliqua
Eumène. Cela signifie que chacun d’entre nous devra en abattre vingt pour
l’emporter. Et il en restera encore.
    — Je n’y crois pas, dit
Alexandre. Nourrir un million d’hommes en mouvement constant est presque
impossible, sans parler de l’eau nécessaire aux chevaux et tout le reste. Je
pense… je pense que l’armée de Darius n’en contient que la moitié, un peu plus
qu’à Issos. De toute façon, je vous l’ai déjà dit : attendons de voir ce
qu’il en est, une fois que nous serons directement en contact avec
l’ennemi. »
    Les domestiques commencèrent à
servir le repas et Alexandre fit entrer des « compagnes » récemment
arrivées de Grèce pour égayer ses amis. Il y avait parmi elles une Athénienne
d’une grande beauté, une brune aux yeux brûlants et au corps si ferme qu’il
évoquait celui d’une déesse.
    « Quelle merveille !
s’exclama Alexandre à sa vue. N’est-elle pas sublime ? Savez-vous qu’elle
a posé dans le plus simple appareil pour une statue d’Aphrodite que le grand
Protogène a réalisée ? Elle se nomme Thaïs et a été déclarée
« callipyge » de l’année, à Athènes.
    — La plus belle paire de fesses
de toute la ville, n’est-ce pas ? ricana Léonnatos. Peut-on les
voir ?
    — Chaque chose en son temps,
fougueux bélier », répondit la jeune fille avec un sourire malicieux.
    Léonnatos jeta vers Eumène un regard
perplexe : « C’est la première fois qu’une femme m’appelle
« fougueux bélier ». D’après toi, c’est un compliment ou une
insulte ?
    — Ne force pas trop ton
cerveau, car tu risques de souffrir, répliqua Eumène. Quoi qu’il en soit, ce
surnom ne me semble pas si mal. D’après moi, tu l’as impressionnée. »
    D’autres « compagnes »,
fort belles, firent leur apparition. Elles allèrent s’allonger près des
convives tandis qu’on servait le repas. En qualité de chef du symposion,
Ptolémée avait décidé que le vin serait coupé d’une part d’eau, une décision
qui recueillit l’approbation générale.
    Quand les invités se furent
restaurés et qu’ils commencèrent à être légèrement gris, Thaïs se mit à danser.
Elle ne portait qu’un court chiton sur son corps nu, et chaque fois qu’elle
virevoltait, elle offrait généreusement au regard des spectateurs ce pour quoi
on lui avait décerné une récompense à Athènes et qui lui avait valu de poser
pour Protogène dans l’attitude d’Aphrodite.
    Soudain, elle saisit une flûte sur
une table et accompagna sa danse au son de l’instrument. Alors la musique
sembla revêtir son corps, qui tournoyait de plus en plus vite avant de
s’arrêter brusquement dans une cascade de notes aiguës, presque stridentes.
Thaïs s’aplatit sur le sol, telle une bête sauvage qui s’apprête à s’élancer,
le souffle court et le corps recouvert de sueur. Puis elle reprit sa flûte,
dont elle tira une mélodie qui parvint aux oreilles des sentinelles, à leur
poste. Une douce mélodie qu’elle associa aux mouvements les plus souples et aux
gestes les plus lascifs.
    Les rires et les plaisanteries se
turent. Le roi lui-même contemplait avec fascination les tourbillons qui
suivaient le rythme de la musique jusqu’au paroxysme. L’espace restreint de la
tente paraissait entièrement envahi par la présence de la jeune femme, imprégné
par l’odeur de sa peau et de ses cheveux aux reflets bleutés. Cette danse
dégageait une énergie irrésistible, un charme puissant, et en un éclair
Alexandre se souvint d’un moment de sa vie passée : l’instant où s’étaient
élevées les notes de la flûte dont sa mère jouait au cœur d’une forêt d’Éordée,
déchaînant dans la nuit une danse orgiaque, le komos de l’ivresse dionysiaque.
    Lorsque Thaïs s’effondra sur le sol,
hors d’haleine et épuisée, les yeux de tous les invités brûlaient d’un désir et
d’une convoitise effrénés, mais ils se gardèrent de bouger, guettant la
réaction du roi. Soudain, un hennissement et un martèlement de sabots brisèrent
la tension spasmodique de ce moment. Héphestion fit irruption sous la tente,
couvert de sueur et de poussière. « L’armée de Darius se trouve à

Weitere Kostenlose Bücher