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Le Roman d'Alexandre le Grand

Le Roman d'Alexandre le Grand

Titel: Le Roman d'Alexandre le Grand Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Valerio Manfredi
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gravèrent les images que tu
admires à présent sur les murs et les portes de ce palais ; des orfèvres y
ajoutèrent les parties appliquées, les ornements en or, en argent, en pierres
dures. Les tisseurs les plus habiles effectuèrent les tapis, les tentures et
les tapisseries que tu as pu voir sur les sols et les murs. Des peintres perses
et indiens créèrent les fresques qui ornent les façades. Selon les intentions
du Grand Roi, ce lieu devait rassembler dans une merveilleuse harmonie toutes
les expressions de la civilisation et de la culture qui composent cet immense
empire. »
    Callisthène s’interrompit pour
balayer du regard la capitale agonisante, ses pairidaeza, où des plantes rares
venues des provinces lointaines brûlaient comme des torches, ses palais, ses
portiques, ses arcades noircies par le feu des incendies. Il observait les rues
parcourues de soldats ivres du massacre, des viols et des rapines qu’ils
commettaient, ainsi que les fontaines remplies de cadavres qui continuaient à
diffuser leur triste murmure, à répandre leur eau mêlée de sang. Il observait
les statues brisées, les colonnes abattues, les sanctuaires profanés. Il se
tourna vers Eumène et lut dans ses yeux une stupeur et une honte identiques à
celles qu’il ressentait.
    « Cette demeure sublime,
poursuivit-il d’une voix égale, fut appelée « palais royal du nouvel
an », car le Grand Roi s’y rendit afin d’y célébrer le premier jour de
l’année, le matin du solstice d’été, en attendant que le premier rayon de
soleil, jaillissant de l’Orient, se pose sur son front et illumine son regard,
comme s’il était lui-même ce nouveau soleil.
    « Toute la nuit, jusqu’au
matin, les prières des prêtres montaient vers les étoiles, elles demandaient
que la lumière éclaire le Grand Roi, qui était le symbole vivant d’Ahura-Mazda.
Ici, tout est symbole, la ville entière est un symbole, tout comme les images
et les bas-reliefs que tu peux admirer dans ce palais.
    — Nous sommes en train de
brûler un… symbole, balbutia Eumène.
    — Oui, et plus encore. La ville
fut conçue le lendemain d’une éclipse totale du soleil, qui se produisit il y a
environ soixante-dix ans et six mois. Elle devait constituer un monument à la
foi de ce peuple, une foi selon laquelle le monde ne serait jamais dominé par
les ténèbres. Tu peux voir, partout dans cette ville, le lion plantant ses
crocs dans un taureau, ou, en d’autres termes, la lumière l’emportant sur les
ténèbres. C’est la lumière d’Ahura-Mazda, le dieu suprême, dans lequel le roi
s’incarnait, aux yeux des Perses.
    « Tandis que le palais se
dressait encore dans l’ombre, des centaines de délégations attendaient dans un
silence religieux que la lumière se répande dans les salles de pourpre et d’or
dans les vastes cours. C’est alors que s’ébranlait le fastueux cortège dont
parlent les auteurs grecs et barbares qui eurent la chance d’y assister, dont
Ctésias, et que représentent les bas-reliefs ornant les remparts et les
escaliers.
    « Et maintenant, regarde, ces
gens assistent au comble de l’abomination, au sacrifice le plus atroce qui
soit : le feu, qui est pour eux un élément sacré, est en train de brûler
la capitale qui fut créée en hommage au feu éternel, il est en train de brûler
leurs cadavres.
    — Et pourtant, ils ont jadis
commis toutes sortes d’atrocités, eux aussi, répliqua Eumène. Comme moi, tu as
vu ces pauvres Grecs et tu as entendu le récit des tortures qu’ils ont subies…
Les hommes qui ont bâti cette merveille, les grands rois Darius et Xerxès, ont
également envahi notre terre en la mettant à feu et à sang, ils ont décapité et
crucifié le corps torturé du roi Léonidas aux Thermopyles, ils ont incendié les
temples de nos dieux après les avoir contaminés…
    — Oui, et sais-tu
pourquoi ? Regarde, dit-il en lui montrant une inscription qui courait le
long d’un mur. Sais-tu ce que cela signifie ? Je vais te le dire :
« J’ai brûlé les temples des daiwa », les temples des démons. Et je
vais t’en donner l’explication : pour eux, nos dieux étaient une
manifestation des démons que leur divinité du mal, Arhiman, avait déchaînés
dans l’univers afin qu’ils y sèment le désastre. Ils ont donc accompli un acte
de piété. Tous les peuples de la terre voient le mal dans les peuples étrangers
et dans leurs dieux, et je crains qu’il n’y ait aucun

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