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Le Roman d'Alexandre le Grand

Le Roman d'Alexandre le Grand

Titel: Le Roman d'Alexandre le Grand Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Valerio Manfredi
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deux
fils, reprit le secrétaire général. Hector, qui s’est noyé dans le Nil, et
Nicanor, emporté par une blessure mortelle. Et voilà que tu as fait torturer et
tuer le troisième, son aîné, celui dont il était le plus fier.
    — Pas moi ! s’écria
Alexandre. Je l’avais élevé à la plus haute dignité après la mienne. Il a été
jugé pour ce qu’il a fait. » Il baissa la tête pendant de longs,
d’interminables instants, puis il poursuivit d’une voix grave :
« Nous sommes seuls, isolés dans le cœur d’un pays immense et inconnu,
nous allons entreprendre une aventure que nous nous sommes juré de mener à
bien, et une erreur pourrait tout réduire à néant, insuffler de nouvelles
forces à un adversaire encore indompté, qui prépare sa revanche, ruiner toute
notre expédition. Voulez-vous voir nos compagnons perdus ou prisonniers,
torturés et tués, ou vendus comme esclaves dans de lointaines contrées, à
jamais privés d’un espoir de retour ? Et voulez-vous que notre patrie soit
renversée, envahie, que vos familles soient anéanties et vos maisons incendiées
par d’implacables ennemis ? Si Alexandre tombe, le monde entier sera en
proie à d’effroyables convulsions, vous en rendez-vous compte ? C’est ce
que tu veux, Eumène de Cardie ? C’est ce que vous voulez, vous
autres ? J’ai été obligé de frapper sans hésitation, foulant au pied toute
retenue, toute affection, toute… pitié. »
    Ses yeux brûlaient de larmes, sa
voix était brisée par les passions qui déchiraient son âme, et ses compagnons
le reconnurent enfin, sentirent la force renversante qui l’animait, et qu’ils
avaient presque oubliée. On aurait dit que son souffle s’était glissé dans
leurs poitrines, que ses larmes roulaient sur leurs joues, que ses doutes et
ses angoisses agitaient leurs esprits.
    Le roi les fixa l’un après l’autre
dans les yeux, avant de dire : « La décision la plus horrible doit
encore être prise.
    — L’assassinat de
Parménion ? », demanda Eumène d’une voix tremblante.
    Alexandre acquiesça. « Nous
ignorons comment il réagira à l’annonce de la mort de Philotas. Mais s’il
décide de se venger, nous serons exterminés : c’est lui qui détient
l’argent nécessaire à notre ravitaillement, lui qui possède le contrôle des
routes et des contacts avec la Macédoine, pour l’envoi des renforts dont nous
ne cessons d’avoir besoin, lui qui peut refermer la porte dans notre dos et
nous abandonner à notre destin, s’allier avec Bessos ou n’importe quel autre
ennemi, et nous exterminer jusqu’au dernier. Pouvons-nous courir ce
risque ?
    — Un mot, dit Cratère. Crois-tu
que Parménion est au courant de la conjuration, ou qu’il en fait partie ?
Philotas était son fils : il est logique de penser qu’il l’avait mis au
courant de son action.
    — Je ne crois pas, mais je suis
contraint de le penser. Je suis le roi, rien ni personne ne peut m’aider. Il
n’y a qu’un seul remède à l’angoisse : l’amitié. Sans vous, j’ignore si je
trouverais la force et la volonté de mener à bien cette entreprise. Et
maintenant, écoutez-moi : je refuse de vous imposer le fardeau de mon
remords, que je suis le seul à devoir porter, mais si vous pensez que tout cela
est folie, si vous croyez que j’ai franchi les limites autorisées à l’être
humain, si vous considérez que le geste que je m’apprête à accomplir est le
fait d’un tyran exécrable, tuez-moi. Maintenant. Donnée par vous la mort ne me
semblera pas terrible. Choisissez ensuite le meilleur d’entre vous car je n’ai
pas d’enfant, entendez-vous avec Parménion et rebroussez chemin. » Il
dégrafa sa cuirasse et la laissa tomber sur le sol, montrant son torse inerme.
    « J’ai juré de te suivre
au-delà de toutes les limites, dit Héphestion. Et par limites, je n’entendais
pas seulement les confins du monde, mais aussi la barrière qui sépare le bien
et le mal. » Puis, il ajouta à l’adresse de ses compagnons :
« Si l’un de vous souhaite tuer Alexandre, il faudra d’abord qu’il me
tue. »
    Il dégrafa sa cuirasse et la laissa
tomber à son tour, se plaçant aux côtés du roi.
    Ils avaient tous les larmes aux
yeux, certains pleuraient même en se cachant le visage derrière leurs mains.
Cratère se rappela le jour lointain où il était allé avec ses camarades
au-devant de son prince exilé dans une tempête de neige, sur un col glacé

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