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Le Roman d'Alexandre le Grand

Le Roman d'Alexandre le Grand

Titel: Le Roman d'Alexandre le Grand Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Valerio Manfredi
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vas-tu faire ?
    — J’occuperai toutes les
positions athéniennes de la Chersonèse. Je fais construire les plus grandes
machines de siège qu’on ait jamais vues. Je veux que notre flotte occupe les
Détroits.
    — C’est par les Détroits que
transite le blé destiné à Athènes.
    — Il en est ainsi.
    — La guerre éclatera.
    — Ce n’est pas dit. Je veux
qu’on me respecte. Il faut que tout le monde comprenne que si une ligue
panhellénique se forme, c’est moi qui en prendrai la tête.
    — Emmène-moi, papa. »
    Philippe plongea ses yeux dans ceux
de son fils. « Le moment n’est pas encore venu, mon garçon. Tu dois
d’abord terminer tes études, ta formation, ton entraînement.
    — Mais, je…
    — Écoute-moi : tu as une
petite expérience des campagnes militaires, tu as montré du courage et de
l’habileté dans la chasse, et je sais que tu manies fort bien les armes. Mais,
crois-moi, ce que tu devras un jour affronter sera mille fois plus dur. J’ai vu
mes hommes mourir de froid et de fatigue, je les ai vus supporter des peines
atroces, les membres déchirés par d’épouvantables blessures. Je les ai vus
tomber en escaladant un mur et s’effondrer sur le sol, et j’ai entendu ensuite
leurs hurlements poignants résonner des heures durant dans la nuit, avant que
le silence revienne.
    « Regarde-moi, regarde mes
bras : on dirait les branches d’un arbre sur lequel un ours aurait aiguisé
ses griffes. J’ai été blessé onze fois, estropié, et j’ai presque perdu la vue…
Alexandre, Alexandre, tu vois la gloire, mais la guerre est surtout faite
d’horreur. La guerre, c’est du sang, de la sueur et des excréments. C’est de la
poussière et de la boue ; c’est la soif et la faim, un froid et une
chaleur insupportables. Laisse-moi affronter tout cela pour toi, tant que je
pourrai le faire. Reste à Miéza, Alexandre. Encore un an. »
    Le jeune homme ne dit rien. Il
savait que ces mots n’admettaient pas de réplique. Mais le regard éprouvé et
blessé de son père réclamait sa compréhension et son amour.
    Dehors, on entendait au loin le
grondement du tonnerre, et des éclairs jaunes illuminaient les contours de
grands nuages noirs sur les pics obscurcis du mont Bermion.
    « Comment va
maman ? », interrogea soudain Alexandre.
    Philippe baissa le regard.
    « J’ai appris que tu avais
ramené une nouvelle femme. La fille d’un roi barbare.
    — Un chef scythe. Je devais le
faire. Et tu le feras aussi quand le moment viendra.
    — Je le sais. Mais comment va
maman ?
    — Bien. Étant donné les
circonstances.
    — Alors, j’y vais. Bonne nuit,
papa. »
    Il se leva et se dirigea vers la
porte, suivi de son chien. Philippe envia alors l’animal qui allait tenir
compagnie à son fils, qui allait pouvoir écouter son souffle dans la nuit.
    Il se mit à pleuvoir. De grosses
gouttes, de plus en plus nombreuses. Le roi, qui était resté seul dans la salle
déserte, se leva à son tour. Il sortit sous le portique tandis qu’un éclair
aveuglant illuminait comme en plein jour la vaste cour, accompagné d’un éclat
de tonnerre fracassant. Il s’appuya contre une colonne et demeura immobile,
absorbé par le spectacle de la pluie qui tombait à verse.
     

17
    Les choses se déroulèrent exactement comme Aristote l’avait
prévu : contraintes et forcées, Périnthe et Byzance se rangèrent dans le
camp d’Athènes. Philippe répliqua en assiégeant Périnthe, située sur un
promontoire rocheux et reliée au continent par un isthme.
    Il avait planté sa tente sur une
hauteur d’où il pouvait dominer toute la situation et tenait chaque soir
conseil avec ses généraux : Antipatros, Parménion et Cleitos, surnommé
« le Noir », car telle était la couleur de ses cheveux, de ses yeux
et de son teint. Son humeur aussi était sombre, mais c’était un excellent
officier.
    « Ont-ils décidé de négocier
leur reddition, oui ou non ? demanda Philippe en entrant, sans même s’asseoir.
    — Non, répondit Parménion. Et
cette idée ne leur vient sûrement pas à l’esprit. La ville est bloquée par voie
terrestre, à cause de notre tranchée, mais elle continue de recevoir du
ravitaillement par voie maritime, grâce à la flotte byzantine.
    — Et nous ne pouvons-nous y
opposer, rétorqua le Noir. Nous ne possédons pas le contrôle de la mer. »
    Philippe abattit son poing sur la
table : « Je me fiche du contrôle de la mer ! hurla-t-il.

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