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Le Roman d'Alexandre le Grand

Le Roman d'Alexandre le Grand

Titel: Le Roman d'Alexandre le Grand Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Valerio Manfredi
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furieux et barbare, de l’exterminateur
implacable, qui transparaissait de plus en plus dans les moments de chasse et
de course, pendant les exercices guerriers où la fougue s’emparait de lui,
l’amenant à pointer son épée sur la gorge de l’homme dont le seul but était de
le préparer et de l’entraîner.
    Alors le philosophe semblait deviner
le mystère de ce regard qui se noircissait soudain, de l’ombre inquiétante qui
se concentrait au fond de son œil, lugubre comme la nuit du chaos primitif.
Cependant, le moment de remettre en liberté le jeune lion argéade n’était pas
encore venu.
    Aristote sentait qu’il devait encore
lui apprendre beaucoup de choses, canaliser sa formidable énergie, lui indiquer
une visée et un but. Il devait doter ce corps, né pour la violence sauvage de
la bataille, d’un esprit politique en mesure de concevoir un programme et de le
mener à bien. C’est seulement ainsi qu’il achèverait son chef-d’œuvre, comme
Lysippe.
    L’automne passa et l’hiver arriva.
Les courriers apportèrent à Miéza une nouvelle : Philippe ne regagnerait
pas Pella. Les rois de Thrace avaient relevé la tête et il était nécessaire de
leur donner une leçon.
    L’armée affronta donc les rigueurs
de l’hiver dans ces régions battues par des vents glacials, soufflant depuis
les plaines enneigées de la Scythie ou les pics gelés du Hémon.
    Ce fut une campagne d’une effroyable
difficulté, au cours de laquelle les soldats se battirent contre un ennemi
fuyant qui luttait sur son propre territoire, habitué à survivre dans les pires
conditions.
    Mais quand le printemps revint,
l’immense étendue qui reliait les rives de la mer Égée au grand fleuve Istros
était pacifiée et unie à l’empire macédonien.
    Le roi fonda une ville au centre de
ces terres sauvages, et il lui donna son nom, Philippopolis, suscitant à
Athènes les commentaires ironiques de Démosthène, qui l’appela « la ville
des voleurs » ou « la ville des criminels ».
    Le printemps fit reverdir les
prairies de Miéza et ramena les bergers et les gardiens de troupeaux vers les
pâturages montagneux.
    Un jour, après le coucher du soleil,
la tranquillité de ces lieux fut brisée par un bruit de galop effréné, puis par
des ordres secs, des voix enflammées. Un cavalier de la garde royale frappa à
la porte de l’école d’Aristote.
    « Le roi Philippe est ici. Il
veut voir son fils et te parler. »
    Aristote se leva avec empressement
pour aller à la rencontre de son hôte illustre et, tandis qu’il parcourait le
couloir, distribua rapidement des ordres à ceux qu’il croisait afin qu’ils
préparent le bain et le dîner du roi.
    Lorsque le philosophe pénétra dans
la cour, Alexandre l’avait déjà précédé en dévalant les escaliers.
    « Papa ! cria-t-il en se
précipitant vers son père.
    — Mon garçon ! »,
s’exclama Philippe, qui le serra longuement dans ses bras.
     

16
    Alexandre se libéra de l’étreinte de son père et le dévisagea. La
campagne de Thrace l’avait profondément marqué : il avait la peau brûlée
par le gel, une grosse cicatrice sur l’arcade sourcilière droite, l’œil à moitié
fermé et les tempes blanchies.
    « Papa, que t’est-il
arrivé ?
    — J’ai mené la campagne la plus
dure de ma vie, mon garçon, et l’hiver a constitué un ennemi plus acharné et
plus impitoyable que les guerriers thraces ; mais désormais notre empire
s’étend de l’Adriatique au Pont-Euxin, du fleuve Istros au col des Thermopyles.
Les Grecs seront obligés de me reconnaître comme leur chef de file. »
    Alexandre aurait aimé lui poser
mille autres questions, mais il vit les domestiques et les servantes accourir,
et il dit : « Tu as besoin d’un bain, papa. Nous poursuivrons notre
conversation pendant le dîner. Désires-tu quelque chose de particulier ?
    — Il y a du chevreuil ?
    — Autant que tu en voudras. Et
du vin de l’Attique.
    — Tant pis pour
Démosthène !
    — Tant pis pour Démosthène,
papa ! », s’exclama Alexandre avant de se précipiter à la cuisine
pour veiller aux préparatifs du repas.
    Aristote rejoignit Philippe dans la
salle de bains et s’assit pour écouter ce que le roi avait à lui dire, tandis
que les servantes lui massaient les épaules et lui savonnaient le dos.
    « C’est un bain tonifiant à la
sauge. Après, tu te sentiras beaucoup mieux. Comment te portes-tu, sire ?
    — Je suis épuisé,

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