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Le Roman d'Alexandre le Grand

Le Roman d'Alexandre le Grand

Titel: Le Roman d'Alexandre le Grand Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Valerio Manfredi
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force, il avait recours à la ruse, ce qui le rendait
encore plus dangereux.
    Une nuit, le commandant d’une
trirème athénienne, qui patrouillait sur la rive occidentale du détroit, vit
une chaloupe descendre le courant en longeant la rive, dans l’espoir de passer
inaperçue.
    Il ordonna qu’on dirige sur elle la
lumière des braseros. La chaloupe apparut aussitôt dans le rayon lumineux
réfléchi par les boucliers.
    « Ne bougez plus, intima
l’officier, ou je vous coule ! » Et il demanda au timonier de virer à
tribord et de tourner le grand rostre en bronze de la trirème vers le flanc de
la petite embarcation.
    Terrorisés, les occupants de la
chaloupe s’immobilisèrent. Quand le commandant athénien leur ordonna de s’approcher,
ils ramèrent vers le navire grec et montèrent à bord.
    Il y avait quelque chose d’étrange
dans leur comportement et dans leur aspect. Lorsqu’ils ouvrirent la bouche,
l’officier athénien n’eut plus de doute : c’étaient des Macédoniens, et
non des pêcheurs thraces, comme ils voulaient le faire croire.
    On entreprit de les fouiller et on
trouva au cou de l’un d’entre eux un étui de cuir contenant un message. Une
véritable chance ! L’officier demanda à l’un de ses hommes de l’éclairer
avec une lanterne, et lut l’inscription qu’il portait :
    Philippe, roi des Macédoniens, à
Antipatros.
    Lieutenant-général, salut !
    Voilà que se présente à nous
l’occasion d’une victoire écrasante sur la flotte athénienne qui croise dans le
Bosphore. Fais avancer cent navires de Thasos et bloque la sortie méridionale
de l’Hellespont. Je ferai descendre ma flotte du nord et nous les prendrons en
tenaille. Ils ne pourront pas nous échapper. Trouve-toi à l’embouchure du
détroit la première nuit de la nouvelle lune.
    Porte-toi bien.
    « Dieux du ciel !
s’exclama le commandant dès qu’il eut terminé. Il n’y a pas un instant à
perdre. »
    Il ordonna aussitôt de changer de
cap et de ramer rapidement vers le centre du détroit, où le vaisseau amiral se
balançait à l’ancre. Il monta à bord, demanda à parler au navarque, un vieil
officier doté d’une grande expérience qui se nommait Phocion, et lui remit le
message qu’il avait intercepté. L’officier le parcourut et le tendit au scribe,
un homme fort compétent qui avait occupé pendant plusieurs années le poste de
secrétaire de l’assemblée à Athènes.
    « J’ai déjà vu des lettres de
Philippe dans nos archives. Elle est de lui, aucun doute. Tout comme le
sceau », ajouta-t-il après avoir examiné scrupuleusement le document.
    Un peu plus tard, sur le vaisseau amiral,
le navarque faisait lancer, au moyen d’un bouclier, le signal de la retraite
pour tous les navires de la flotte.
    Trois jours plus tard, ils
atteignirent Thasos, où ils constatèrent l’absence de la flotte d’Antipatros,
qui n’avait au reste jamais existé. Mais entre-temps, l’escadre royale avait pu
tranquillement descendre le Bosphore et l’Hellespont, et trouver refuge dans un
port sûr.
    Dans un de ses discours contre
Philippe, Démosthène l’avait surnommé « le renard ». Quand il apprit
ce qui s’était produit, il comprit que jamais aucun surnom n’avait mieux été
mérité.
    Le souverain macédonien quitta le
siège de Périnthe au début de l’automne et marcha vers le nord pour punir les
tribus scythes qui avaient refusé de lui envoyer des renforts ; il défit
et tua leur roi Atéas, qui s’était présenté sur le champ de bataille en dépit
de ses quatre-vingt-dix ans.
    Mais sur le chemin du retour, en
plein hiver désormais, l’armée de Philippe fut attaquée par la plus féroce des
tribus thraces, les Triballes : elle subit de graves pertes et dut
abandonner tout le butin. Le roi lui-même fut blessé, et ne parvint qu’avec
grande difficulté à ramener ses soldats dans leur patrie, en se frayant un
chemin à l’épée.
    Il regagna son palais de Pella,
épuisé par ses efforts et par les douleurs lancinantes que lui provoquait sa
blessure à la jambe, abattu, presque méconnaissable. Mais le jour même, il
réunit le conseil et voulut savoir ce qui s’était passé en Grèce et en
Macédoine pendant son absence.
    Les nouvelles n’étaient pas bonnes,
et si Philippe avait encore eu la moindre énergie, il se serait emporté comme
un taureau furieux.
    Il pensa, en fait, que la nuit lui
porterait conseil. Le lendemain, il convoqua Philippe, le

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