Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Le Roman d'Alexandre le Grand

Le Roman d'Alexandre le Grand

Titel: Le Roman d'Alexandre le Grand Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Valerio Manfredi
Vom Netzwerk:
affaires intérieures des États
grecs.
    Mais si les Grecs se laissèrent
persuader, ce fut moins par le souvenir des invasions perses que par la
décision de Philippe, la conviction qu’il n’existait pas d’autre option que de
se soumettre à sa volonté, et que sa façon de concevoir la politique incluait
aussi la guerre.
    L’assemblée finit donc par attribuer
au roi des Macédoniens la charge de conduire la ligue panhellénique en vue
d’une grande expédition contre la Perse. Nombre de délégués pensaient toutefois
qu’il s’agissait d’une ruse destinée à asseoir sa propre gloire. Ils se
trompaient.
    Alexandre eut ainsi l’occasion de
visiter Corinthe, qu’il n’avait jamais vue. Il se rendit à l’acropole,
quasiment inexpugnable, en compagnie de Callisthène, et admira les magnifiques
temples d’Apollon et de Poséidon, le dieu de la mer, protecteur de la ville.
    Il fut surtout frappé par la
« traction navale », un dispositif spectaculaire qui permettait aux
bateaux de passer du golfe d’Égine au golfe de Corinthe en traversant l’isthme
du Péloponnèse, ce qui leur évitait de contourner la presqu’île, hérissée de rochers
coupants.
    Il s’agissait d’une voie de halage
en bois, sans cesse recouvert de graisse de bœuf, qui montait du golfe d’Égine,
atteignait le sommet de l’isthme et redescendait de l’autre côté, dans le golfe
de Corinthe. Le bateau qui devait l’emprunter était tracté par un attelage de
bœufs jusqu’au point le plus haut, où il s’arrêtait en attendant que se
présente un autre bateau, qui s’accrochait derrière lui.
    Il était alors poussé vers le bas,
de façon à entraîner ainsi le deuxième, qui, par son poids, ralentissait la
descente du premier. Un troisième bateau s’adjoignait au deuxième lorsque
celui-ci arrivait au sommet. Le premier pouvait alors prendre le large.
    « Personne n’a jamais songé à
creuser un canal pour relier les deux golfes ? demanda Alexandre à ses hôtes
corinthiens.
    — Si les dieux avaient voulu
que la mer soit là où se trouve la terre, ils auraient fait du Péloponnèse une
île, ne crois-tu pas ? répondit leur guide. Rappelle-toi ce qui arriva au
Grand Roi des Perses à l’époque de l’invasion de la Grèce. Il jeta un pont sur
la mer pour permettre à son armée de traverser les détroits, et il coupa la
péninsule du mont Athos par un canal afin d’y faire naviguer sa flotte. Mais il
fut châtié pour sa prétention : il essuya une sévère défaite, sur terre
comme sur mer.
    — C’est vrai, admit Alexandre.
Mon père m’a jadis montré cet énorme fossé et m’a parlé de l’entreprise du
Grand Roi. Voilà comment l’idée d’un canal m’est venue. »
    On lui apprit aussi que Diogène, le
célèbre philosophe cynique, sur le compte duquel on rapportait des histoires
incroyables, vivait non loin de là.
    « Je le sais, répliqua
Alexandre. Aristote m’a exposé les thèses des cyniques. Diogène pense que c’est
seulement en se privant de ce qui est superflu qu’on peut se libérer de toutes
sortes de désirs, et donc de toutes sortes de malheurs.
    — Une étrange théorie,
intervint Callisthène. Se priver de tout pour atteindre, non pas le bonheur,
mais seulement l’impassibilité, constitue à mon avis un exercice plutôt
stupide, en plus d’un gaspillage. Un peu comme si l’on brûlait du bois pour en
vendre la cendre, n’est-ce pas ?
    — C’est possible, dit
Alexandre. Pourtant, j’aimerais bien le rencontrer. Est-il vrai qu’il vit à
l’intérieur d’une jarre d’huile ?
    — Oui. Au cours du dernier
conflit, alors que les troupes de ton père nous assiégeaient, les citoyens
s’employaient à renforcer les murailles en courant dans tous les sens. Soudain,
Diogène se mit à pousser sa jarre sur une pente, la fit rouler jusqu’en bas,
puis la remonta. « Pourquoi agis-tu de la sorte ? », lui
demanda-t-on. Et il répondit : « Pour rien. Mais les autres sont si
occupés que je ne voulais pas avoir l’air de me croiser les bras. » Cet
épisode vous en dit assez long sur l’homme. Songe que le seul objet qu’il possédait
était une écuelle pour puiser de l’eau à la fontaine ; mais un jour, il
vit un enfant qui buvait dans ses mains et il jeta aussi son écuelle. As-tu
vraiment envie de le connaître ?
    — Oui, s’il te plaît, répondit
Alexandre.
    — Si tu y tiens vraiment,
soupira Callisthène avec un air de suffisance.

Weitere Kostenlose Bücher