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Le Roman d'Alexandre le Grand

Le Roman d'Alexandre le Grand

Titel: Le Roman d'Alexandre le Grand Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Valerio Manfredi
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Le spectacle ne sera pas des
plus agréables. Tu n’es pas sans savoir pourquoi Diogène et ses disciples sont
qualifiés de « cyniques », n’est-ce pas ? À les entendre, tout
ce qui est naturel n’a rien d’obscène. Voilà pourquoi ils font tout en public,
comme les chiens.
    — C’est vrai, confirma leur
guide. Venez, il habite, si je peux m’exprimer ainsi, non loin d’ici. On le
trouve au bord de la route, où il peut recevoir facilement les oboles des
passants. »
    Ils cheminèrent un moment le long de
la route qui menait de la « traction navale » au sanctuaire de
Poséidon. Alexandre fut le premier à le remarquer, de loin.
    C’était un vieil d’homme d’environ
soixante-dix ans complètement nu ; il était adossé à une grande jarre de
terre cuite, à l’intérieur de laquelle on pouvait apercevoir une paillasse et
une couverture en lambeaux. La niche de Péritas, songea Alexandre, était
certainement beaucoup plus confortable. Un petit chien bâtard était assis à ses
côtés. Il mangeait probablement dans la même écuelle que lui et partageait sa
couche.
    Les bras sur les genoux et la tête
renversée contre son misérable taudis, Diogène réchauffait ses membres plissés
au dernier soleil de l’été.
    Il était presque entièrement chauve,
mais les cheveux qui poussaient sur sa nuque lui tombaient jusqu’au milieu du
dos. Il avait un visage émacié, sillonné de nombreuses rides et bordé par une
petite barbe chétive, des pommettes saillantes et des cernes profonds, un front
large et d’une certaine façon lumineux.
    Il était totalement immobile, les
yeux fermés.
    Alexandre s’arrêta devant lui et le
contempla un long moment en silence. Aucun signe ne montrait que l’homme avait
remarqué sa présence.
    Le jeune prince se demandait quelles
pensées se pressaient sous ce large front, dans ce crâne puissant, posé sur ce
corps frêle et chétif.
    Quelle raison l’avait amené, après
une vie de recherches sur l’esprit de l’homme, à vivre dans la nudité et la
pauvreté le long de la rue, objet des rires et de la compassion des
passants ?
    Il était ému par cette pauvreté
orgueilleuse, par cette simplicité totale, par ce corps qui souhaitait que la
mort le trouve dépouillé de tout, comme à la naissance.
    Il aurait voulu qu’Aristote soit là,
près de lui ; il aurait voulu voir ces deux esprits s’affronter au soleil,
pareils à des champions munis d’une lance et d’une épée, et il aurait voulu lui
dire combien il l’admirait. Mais il prononça une phrase malheureuse.
    « Salut à toi, Diogène. Tu as
devant toi Alexandre de Macédoine. Demande-moi ce que tu désires et je serai
heureux de te l’offrir. »
    Le vieil homme ouvrit sa bouche
édentée : « N’importe quoi ? interrogea-t-il d’une petite voix
stridente, les paupières toujours baissées.
    — N’importe quoi, répéta
Alexandre.
    — Alors, écarte-toi un peu de
mon soleil. »
    Alexandre se déplaça et s’assit sur
le côté, à ses pieds, comme un postulant. Il lança à Callisthène :
« Laissez-nous seuls. J’ignore s’il me dira autre chose, mais s’il le
fait, ses mots ne pourront pas être écrits, mon ami. » Callisthène vit qu’il
avait les yeux luisants. « Tu as peut-être raison, poursuivit le prince.
Tout cela n’est peut-être qu’un gaspillage, un peu comme si l’on brûlait du
bois pour en vendre la cendre, mais je donnerais n’importe quoi pour savoir ce
qui se passe derrière ces paupières closes. Et crois-moi, si je n’étais pas
celui que je suis, si je n’étais pas Alexandre, je voudrais être
Diogène. »
     

28
    Personne ne sut ce qu’ils se dirent, mais cette rencontre se grava à
jamais dans l’esprit d’Alexandre, et peut-être aussi dans celui de Diogène.
    Deux jours plus tard, Philippe et sa
suite reprirent la route du nord en direction de la Macédoine, et le prince
partit avec eux.
    De retour à Pella, le souverain se
consacra aux préparatifs de sa grande expédition en Orient. Chaque jour, ou
presque, il réunissait un conseil de guerre, auquel participaient les généraux,
Attale, Cleitos le Noir, Antipatros et Parménion, afin d’organiser le
recrutement des soldats, l’équipement et le ravitaillement. Les bons rapports
que la Macédoine entretenait avec Athènes lui garantissaient la sécurité sur
mer et le transport de l’armée en Asie par l’entremise de sa propre flotte et
de celle des alliés.
    Alexandre

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