Le Roman d'Alexandre le Grand
Parménion !
— Je ne suis pas amoureux,
père. En revanche, j’ai entendu dire que tu l’étais. »
Le sang de Philippe ne fit qu’un
tour dans ses veines. Il se mit à arpenter la pièce. « Ta mère. Ta
mère ! s’exclama-t-il, Elle est pleine de rancune, dévorée par la jalousie
et par la haine. Et elle veut te monter contre moi. C’est bien cela, n’est-ce
pas ?
— Tu as une autre femme,
affirma Alexandre d’un air glacial.
— Et alors ? Ce n’est
certes pas la première, et ce ne sera pas la dernière. Elle est splendide, aussi
belle que le soleil, ou qu’Aphrodite. Plus encore ! Elle s’est glissée
dans mes bras, nue, soyeuse, épilée, parfumée, les seins pareils à des poires
mûres, et elle m’a ouvert ses cuisses. Que devais-je faire ? Ta mère me
déteste, elle me cracherait dessus à chacune de nos rencontres ! Et cette
fillette-là est aussi douce que le miel. »
Il se laissa tomber sur une chaise
et, d’un geste rapide qui traduisait sa fureur, releva son manteau sur ses
genoux.
« Tu n’as pas à me rendre
compte de tes maîtresses, père.
— Cesse de m’appeler
« père » : nous sommes seuls !
— Ma mère se sent humiliée,
repoussée, elle est inquiète.
— J’ai compris ! s’écria
Philippe. J’ai compris ! Elle essaie de te dresser contre moi. Et sans la
moindre raison. Viens, viens avec moi ! Viens voir la surprise que je
t’avais préparée avant que tu ne me gâches la journée avec ces stupidités.
Viens ! »
Il l’entraîna dans l’escalier et,
arrivé au bas des marches, s’engagea dans un couloir proche des ateliers. Il
ouvrit une porte et le poussa violemment à l’intérieur.
« Regarde ! »
La pièce était éclairée par une
grande fenêtre latérale. Posé sur une table, un médaillon d’argile représentait
le prince de profil, les cheveux ceints d’une couronne de lauriers, comme le
dieu Apollon.
« Cela te plaît ? demanda
une voix qui s’échappait d’un coin sombre.
— Lysippe ! s’exclama
Alexandre en se retournant, avant de se précipiter dans les bras du maître.
— Alors, cela te plaît ?
répéta Philippe, derrière lui.
— Mais qu’est-ce que
c’est ?
— C’est le modèle d’un statère
d’or du royaume de Macédoine, qui sera frappé demain pour rappeler ta victoire
à Chéronée et ta dignité d’héritier du trône. Il circulera dans le monde à dix
mille exemplaires », répondit le souverain.
Alexandre baissa la tête, empli de
confusion.
27
Le geste de Philippe et la présence de Lysippe à la cour dissipèrent un
moment les nuages qui avaient obscurci les rapports du père et de son fils.
Mais bien vite, Alexandre mesura l’importance du lien qui unissait son père à
la jeune Eurydice.
Toutefois, les devoirs pressants de
la politique détournèrent aussi bien le roi que le prince des affaires privées.
La réponse d’Arsès, le roi des
Perses, était arrivée, et elle était plus méprisante que la lettre de Philippe.
Eumène la lui lut sans attendre.
Arsès, roi des Perses, Roi des Rois,
lumière des Aryens et seigneur des quatre coins de la terre, à Philippe, le
Macédonien.
Ce que fit mon père, Artaxerxès,
troisième de ce nom, fut bien fait. C’est plutôt toi qui devrais nous payer un
tribut comme tes prédécesseurs, puisque tu es un de nos vassaux.
Le souverain convoqua aussitôt
Alexandre, à qui il tendit la missive. « Tout se déroule comme je l’avais
prévu : mon plan prend forme dans les moindres détails. Le Perse refuse de
payer pour les dommages que son père nous a causés, ce qui est plus que
suffisant pour lui déclarer la guerre. Enfin, mon rêve devient réalité !
J’unifierai tous les Grecs de la mère patrie et des colonies d’Orient, je
sauverai la culture hellénique et la répandrai dans le monde entier. Démosthène
n’a pas saisi la teneur de mon projet, il m’a combattu comme si j’étais un
tyran. Mais regarde autour de toi ! Les Grecs sont libres et il n’y a de
garnison macédonienne que sur l’acropole des traîtres thébains. J’ai protégé
les Arcadiens et les Messéniens, j’ai été à plusieurs reprises le champion du
sanctuaire de Delphes.
— Tu veux vraiment aller en
Asie ? », demanda Alexandre, surtout frappé par cet aspect de la
question.
Philippe plongea son regard dans le
sien.
« Oui. Et je vais l’annoncer à
nos alliés, à Corinthe. Je leur demanderai de nous fournir des
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