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Le Roman des Rois

Le Roman des Rois

Titel: Le Roman des Rois Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Max Gallo
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« entaché du péché contre nature ».
    Et le comte Robert d’Artois, envoyé à la cour de Castille, rapporta qu’un traître y faisait connaître les « secrets du roi de France ».

    Je restais fidèle vassal du roi, mais je souffrais de cette puanteur d’eau croupie qui se répandait dans les palais de Philippe III le Hardi.
    On m’apprit qu’un moine avait apporté au roi, qui était à Melun, une boîte contenant des lettres scellées du sceau de Pierre de la Broce.

    Je ne sais ce que ces lettres révélaient. Mais le roi et ses barons quittèrent en hâte Melun, se rendirent à Paris, puis à Vincennes. On y arrêta Pierre de la Broce. On l’enferma dans l’une des tours du château et, sans qu’il lui fût accordé de se défendre, les ducs de Bourgogne et de Brabant, le comte
d’Artois et bien d’autres le conduisirent au gibet de Montfaucon.
    J’étais de cette troupe, regardant les visages creusés par la haine.
    Il suffit de quelques gestes pour que Pierre de la Broce, favori du roi, fût, en ce mois de juin 1278, pendu haut et court.
    J’ai longuement fixé ce corps accroché au gibet de Montfaucon et que les oiseaux commençaient à lacérer dans un grand battement d’ailes.
    J’ai tremblé non d’effroi, mais de surprise et d’accablement. J’écoutais les complaintes qui se chantaient au coin des rues, certaines accusant Pierre de la Broce d’avoir trahi son roi, empoisonné l’héritier du trône, Louis, et accusé de ce crime la reine Marie de Brabant.
    Mais d’autres jugeaient que la pendaison s’était faite contre la volonté du roi.
    Et d’autres encore disaient prudemment :
    « La raison pour quoi Pierre de la Broce fut pris, lui si puissant, devenu pâture pour oiseaux de charogne, je l’ignore, et il ne m’appartient pas d’en parler. »

    Moi aussi je me suis tu.
    Mais j’ai appris, au pied du gibet de Montfaucon, que prêter serment d’allégeance à un roi qui n’était pas un saint homme, comme l’avait été Louis IX, c’était aussi se condamner au silence et à la cécité.
    J’avais la langue et les yeux morts.
    68.
    Heureusement, je m’éloignai du gibet de Montfaucon.
    Je reprenais vie en chevauchant aux côtés du roi Philippe III le Hardi, oubliant les intrigues et les haines qui déchiraient son entourage.
    Je n’avais pour toute ambition que de servir mon suzerain, le heaume visière baissée, le glaive levé.

    Nous avons gagné le Languedoc, mis le siège devant le château de Foix où le comte Roger Bernard s’était réfugié après avoir guerroyé contre les vassaux du roi de France. Philippe III le Hardi voulait montrer à tous les seigneurs du royaume qu’il protégeait les siens et empêchait les « guerres privées ».
    Quand le comte de Foix se rendit, le 5 juin 1272, je fus de ceux qui l’accompagnèrent jusqu’à son cachot.
    Mon âme était sans remords, car Philippe III se plaçait dans les pas de son père Louis IX, faisant exécuter les clauses des traités, ne reprenant dans les héritages que ce qui lui était dû.

    Lorsque l’oncle de Philippe III, Alphonse de Poitiers, et son épouse moururent, le Poitou entra ainsi dans le domaine royal, mais le roi remit au pape Avignon et le Comtat Venaissin que Louis IX avait promis au souverain pontife.
    C’était loyauté et c’était l’intérêt du roi de France que d’être le Très Chrétien roi d’Occident, celui qui accueillit le pape Grégoire X à Lyon, ville impériale, où Philippe III envoya une garnison.

    J’étais de ces chevaliers français qui protégèrent le concile réuni autour de Grégoire X. Il y avait là cinq cents évêques, soixante abbés mitrés, et plus de mille autres prélats, rassemblés en présence des ambassadeurs de tous les rois d’Europe.
    Je restai à Lyon de mai à juillet 1274. Les envoyés des chrétiens grecs y abjurèrent le schisme d’Orient, et je crus que l’unité du monde chrétien était ainsi reconstituée.
    Le concile unanime proclama que la croisade générale était décidée.

    Je n’étais qu’un jeune chevalier de dix-huit ans qui ignorait que des mots aux actes il y a bien des rivières à franchir. Je ne cherchais pas à comprendre pourquoi il fallait longer les berges de celles-ci, traverser à gué celles-là.
    J’appris que, le 31 mars 1282, les Siciliens s’étaient révoltés contre les Français. Après ces « Vêpres siciliennes », Charles d’Anjou, roi de Sicile, oncle de

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