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Le Roman des Rois

Le Roman des Rois

Titel: Le Roman des Rois Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Max Gallo
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allait être canonisé en 1297, mais, pour lui, bien qu’il utilisât rarement le mot, Louis était déjà de son vivant un saint : Saint Louis, roi de France.
    Il ne m’avait rien caché des jours qui avaient suivi la mort du roi.
    Charles d’Anjou, roi de Sicile, était arrivé à Carthage au lendemain du trépas de Louis IX, son frère.
    Il s’était agenouillé, en larmes, devant la dépouille du roi de France, mais les circonstances ne se prêtaient ni au deuil, ni aux sanglots.
    Le fils de Louis, Philippe, malade lui aussi, se rétablissait et avait été reconnu roi. Il avait été décidé que Philippe III devait rentrer au plus vite avec son épouse Isabelle d’Aragon, devenue reine de France.
    Puis il fallait songer au transport du corps du roi.
    Les entrailles et les chairs de Louis IX seraient données à Charles d’Anjou et placées dans la cathédrale de Monreale, en Sicile.
    Les os et le coeur seraient ensevelis en l’abbaye de Saint-Denis.

    Hugues Villeneuve de Thorenc, mon fils, tu dois savoir : les serviteurs du roi, ceux qui le côtoyaient, l’aimaient, durent démembrer son corps et firent longuement bouillir chaque partie dans de l’eau mélangée de vin.
    Et les os en devinrent blanchis, tout nets de chair.

    Là-dessus, mon père s’est tu longuement, et j’ai partagé son émotion, puis, d’une voix dont la tristesse m’oppressait, il reprit son récit, me décrivant le départ de l’armée des croisés de Carthage, le 11 novembre 1270, après qu’un accord eut été conclu entre Charles d’Anjou, roi de Sicile, et le sultan de Tunis.
    Et il me dit comment, dans le port de Trapani, en Sicile, au cours de la nuit du 15 au 16 novembre, une effroyable tempête se déchaîna. Quarante navires sombrèrent, dont dix-huit grosses naves.
    L’une d’elles avait à son bord un millier de personnes.

    « Ce fut l’armée des cercueils qui parcourut l’Italie », dit mon père.
    Il y avait ceux qui contenaient les reliques du roi Louis et de son fils Jean-Tristan.
    Il y eut bientôt celui de Thibaud de Champagne, gendre de Louis IX, mort durant la chevauchée, tout comme Alphonse, le frère du roi, et son épouse Jeanne.
    Il y eut celui de la reine de France, Isabelle d’Aragon, épouse de Philippe, morte en faisant une chute de cheval. Et mort, l’enfant qu’elle portait.
    Et cheminaient avec nous, dans notre mémoire, tous ceux qui avaient péri : le légat, les comtes d’Eu, de la Marche, le sire de Montmorency, tant d’autres seigneurs et chevaliers. Et tous les hommes d’armes tombés dans les combats ou qui avaient succombé à la maladie.
    Tous ces compagnons, grands ou modestes, puissants ou humbles, nous en portâmes le souvenir tout au long de cette route qui, par Rome, Florence, Milan, le Mont-Cenis, Troyes, nous conduisit à Paris le 21 mai 1271.
    On plaça le cercueil du roi devant l’autel de Notre-Dame.
    Le lendemain 22 mai, les funérailles furent célébrées à l’abbaye de Saint-Denis.

    Mon père se tut.
    Il vécut – survécut – jusqu’au 8 septembre 1271, silencieux, les yeux grands ouverts, comme s’il voyait devant lui défiler toute sa vie parcourue dans les pas de Saint Louis.

    Moi, Hugues Villeneuve de Thorenc, son fils, j’avais alors quinze ans.
    C’était à moi de continuer la lignée des Villeneuve de Thorenc et de transmettre à mon tour la mémoire qu’ils m’avaient léguée.
    Chevalier et chroniqueur, il me revenait de dire l’histoire de Philippe IV le Bel, l’Énigmatique, grand roi capétien, dont j’avais été à mon tour le fidèle vassal.

LIVRE III
    (1270-1314)
    Philippe le Bel, l’Énigmatique

première partie
    (1271-1285)
    « J’ai entendu dire qu’un saint homme savait que le Roi était coupable du péché contre nature… et que s’il ne se repentait pas, un de ses enfants mourrait dans les six mois. »
    L e légat
    au roi Philippe III le Hardi, en 1278.
    66.
    Moi, Hugues Villeneuve de Thorenc, j’écris cette chronique en l’an de grâce 1322.
    Mon père, Denis Villeneuve de Thorenc, est mort il y a cinquante et une années, le 8 septembre 1271.
    J’étais alors un écuyer d’à peine quinze ans.
    J’avais le coeur percé d’une douleur si brûlante que je souhaitais que la mort m’entraîne.
    Elle avait emporté deux hommes que je révérais : mon père et Louis IX, roi de France, mort en terre infidèle le 25 août 1270.
    Mon père avait accompagné les reliques du roi, de Tunis

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