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Le salut du corbeau

Le salut du corbeau

Titel: Le salut du corbeau Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Marie Bourassa
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encore.
    — Trop compliqué pour moi, tout ça. À plus tard, dit Louis en vidant son gobelet et en se détournant.
    Lionel le regarda s’éloigner et dit :
    — Je l’ai mis mal à l’aise. Toutes mes excuses.
    Il venait de réaliser que la musique s’était tue et que tout le monde s’était réuni à table pour l’entendre, même Iain.
    — Mais pas du tout, dit Sam en secouant le moine amicalement et en le prenant par l’épaule afin de lui arracher un sourire. Pour ma part, après avoir entendu une histoire comme celle-là, je vous trouve beaucoup plus sympathique. On se comprend.
    — Sortons faire un tour pour nous dégourdir les jambes et nous aérer un peu les idées, proposa soudain Hubert.
    Ceux que cette proposition tentait décidèrent de suivre cet exemple. Lorsque Jehanne remarqua que seul Louis ne manifestait aucun signe de vouloir se joindre au groupe, elle décida de profiter de l’occasion pour rester un peu seule avec lui. Dès que les autres furent sortis, elle le rattrapa par le bras avant qu’il ne s’avisât de s’affairer à quelque nouvelle tâche culinaire. Il se laissa entraîner vers un banc et asseoir par Jehanne, qui se tint entre ses jambes et appuya les mains sur ses épaules. Louis dut lever la tête pour la regarder. Elle sourit.
    — Louis, dites-moi, à quoi pensez-vous en ce moment ?
    — À rien, répondit-il, les yeux un peu écarquillés.
    — C’est Sam qui aimerait vous entendre dire cela.
    Elle rit.
    — Ce n’est pas possible de ne penser à rien. Je le sais pour l’avoir déjà essayé. Et vous ?
    — Oui, j’ai déjà essayé.
    — Et qu’est-ce que cela a donné ?
    — Rien…
    Ses yeux brillèrent et il grogna. Jehanne éclata de rire et songea : « La voilà, Sam, l’utilité d’une légère ivresse. La voilà. Ce n’est pas du tout ce que, toi, tu fais. » Il y avait de ces fois où il était bon que les inhibitions prissent un peu congé.
    Louis dit encore :
    — J’aimerais réussir à ne pas penser. Tout serait plus facile.
    Jehanne cessa brusquement de sourire et se plongea tout entière dans le regard intense de son mari. Pour la première fois, elle en vit l’éclat minéral céder et se mouiller de bruine. Son visage n’était plus le même.
    — Êtes-vous sérieux, Louis ?
    — Si je le dis, c’est que je le pense.
    Il haussa les épaules. Elle les lui pétrit affectueusement et dit :
    — Vous aussi, vous auriez un grand nombre de choses à me raconter.
    Le regard de Louis étincela à nouveau, et un rictus déplaisant lui retroussa un coin de la bouche.
    — Ah ! Quelle farce !
    — Je n’arrive pas à vous comprendre. Tant de méfiance… On dirait que vous cherchez toujours à vous battre contre quelque chose, même lorsqu’il n’y a pas lieu de le faire.
    — Je passe ma vie à lutter. Aitken n’est qu’une personne de plus à m’en vouloir parce que j’existe.
    Jehanne ne sut que répondre à cela. Elle essaya de tempérer les choses :
    — Mais vous savez bien qu’avec moi il n’y a aucun danger. Allez donc, j’aimerais bien en apprendre un peu plus à votre sujet. Parlez, je ne sais pas, moi, de votre famille, ou de vos premières amours, tiens, pourquoi pas ! Je promets de ne pas en être jalouse.
    Taquine, elle enroula autour de son doigt la mèche errante qui lui barrait le front.
    — Voulez-vous arrêter de penser, maintenant ! ordonna-t-il d’une voix caustique. Vous inventez trop de choses. Ça suffit !
    — Voyons, Louis, vous m’offensez. J’ai quand même appris à me servir de mon imagination de façon intelligente. Je sais différencier la vérité des fabulations. Or, c’est par vous-même que j’ai appris que l’on vous a fait beaucoup de mal. Mais j’en sais si peu à votre sujet !
    — Vous en savez bien assez.
    — Non. Le père Lionel m’a un peu parlé de vous, puisque vous refusez de le faire.
    — Encore lui…
    — Je sais que c’est de vous qu’il parlait quand il a dit qu’un garçon est allé habiter à l’abbaye avant moi. Il m’a aussi dit que votre père cuisait le meilleur pain de Paris.
    Les mâchoires de Louis se serrèrent.
    — Je ne parlerai pas de mon père. Taisez-vous.
    Sans qu’elle sût pourquoi, Jehanne ressentit soudain une vague crainte en voyant l’homme qui était assis devant elle. Des larmes inopportunes lui montèrent aux yeux. Elle se sentit terrassée. Louis, qui s’était raidi sous ses caresses, attendit sans

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