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Le sang de grâce

Le sang de grâce

Titel: Le sang de grâce Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Andrea H. Japp
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Esquive
d’Estouville suivit la lente glissade d’une larme sur la joue pâle du garçon. Il
lâcha dans un souffle :
    — Que se passe-t-il à la
fin ! Ma dame jetée devant les tribunaux de l’Inquisition, accusée et
traînée dans la boue par sa propre fille, des émissaires abattus, un pape
assassiné, des sœurs enherbées, cette bibliothèque, ce…
    Il s’interrompit à temps. Pourtant,
la très jeune femme poursuivit pour lui :
    — Ce carnet d’un chevalier
hospitalier ? Il vient d’être dérobé à la faveur d’un incendie criminel,
une diversion. Deux autres ouvrages manquent également, compléta Esquive
maintenant certaine de la sincérité de l’adolescent. Éleusie avait ordonné la
clôture totale sauf impérieuse nécessité. De surcroît, les sortantes doivent
être fouillées à corps, ballots et chariots.
    — On peut donc espérer que les
volumes volés sont toujours entre les murs de l’abbaye.
    — On peut l’espérer.
    — Avec tout le respect qui est
le mien, qui êtes-vous, madame ? Comment avez-vous pénétré ?
    — Mon nom ne te dirait rien.
Disons… une amie, sans équivoque. J’ai ouvert la porte le plus simplement du
monde : grâce à un double de la clef qui m’a été confié.
    — Par qui ? osa Clément.
    — Je l’ignore.
    Il n’eut nul doute qu’elle disait la
vérité.
    — La raison de votre présence,
du silence parfait dont vous avez fait preuve, puisque vous étiez sur place
bien avant moi, n’est-ce pas ?
    Un faible sourire détendit la jolie
bouche en cœur.
    — Le besoin d’un rapide
inventaire. Il me fallait m’assurer, avant la venue de la nouvelle abbesse,
qu’il ne demeurait ici aucun manuscrit… dangereux. Et puis, Annelette est
arrivée. Je me suis dissimulée. Une heure plus tard, tu faisais ton apparition.
J’ai ensuite voulu savoir ce que tu cherchais.
    — Le traité de Vallombroso,
déclara-t-il sans faux-fuyants.
    — Hum… Je le pensais. Il fait
partie des trois volumes dérobés.
    — Madame, je vous supplie de
m’éclairer : que se passe-t-il ?
    — Il est encore trop tôt,
Clément. D’autant que je ne connais que quelques facettes de cette histoire.
    — Ma dame fut menacée
gravement…
    — Non, le passé ne sied pas.
Elle est menacée. Gravement.
    — Par qui ? s’affola Clément.
Aidez-moi afin que je la protège au mieux.
    Le mince sourire s’élargit pour
devenir lumineux. Elle murmura :
    — Sais-tu que je te crois tout
à fait capable de protéger ta dame ? (S’assombrissant à nouveau, elle
poursuivit :) Qui ? Les autres. Ils ont de multiples visages, si
mouvants. M’écoute attentivement, jeune homme. Il n’existe que bien peu de gens
auxquels tu puisses te fier. Ce chevalier hospitalier, Francesco de Leone, en
est un. Je suis la deuxième.
    — Et monseigneur
d’Authon ?
    — Il n’est pas véritablement de
nos… amis. Cependant, il a trop belle et solide réputation pour cacher un
déshonneur.
    Elle leva le visage vers les minces
meurtrières horizontales et déclara :
    — La messe de midi approche.
Elles seront toutes absorbées en prière. Il te faudra partir bien vite.
    Il acquiesça d’un signe de tête.
Elle reprit :
    — Clément… je ne suis pas
encore certaine de l’identité de l’enherbeuse, mais je m’en rapproche à la
renifler. Méfie-toi de tout et de tous.
    Une onde glacée dévala entre les
épaules de l’adolescent à ce qu’elle insinuait.
    — Une dernière mise en
garde : la nouvelle abbesse, dont je pressens qu’elle devrait vite
rejoindre les Clairets, ne sera pas de nos alliés, loin s’en faut. Évite
dorénavant l’abbaye.
     

Manoir de Souarcy-en-Perche,
décembre 1304
    Le jour déclinait déjà lorsque
Clément rentra fourbu et désespéré au manoir. Il se précipita vers la grande
salle commune afin de narrer sa rencontre à sa maîtresse. Celle-ci se tenait
debout, non loin de l’immense cheminée dans laquelle rugissait un jeune feu. Un
homme était attablé et terminait lentement, avec soin, sa tranche de pain
tartinée de suif. Il était vêtu de braies [69] qui disparaissaient dans des bottes de voyage, d’une housse [70] mi-longue, passée de mode, sur laquelle il devait jeter la houppelande
de laine bouillie fourrée de lapin râpé qu’il avait abandonnée sur le coffre à
vaisselle en compagnie de son bonnet de feutre. Lorsque l’inconnu leva le
regard vers lui, Clément comprit aussitôt qu’il ne s’agissait

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