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Le sang de grâce

Le sang de grâce

Titel: Le sang de grâce Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Andrea H. Japp
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pour laisser place à l’autorité :
    — Allons, chevalier ! Je
vous somme de vous expliquer aussitôt.
    — Madame, je suis au regret
d’avouer que je n’ai nulle explication acceptable à vous offrir. En revanche,
mon remords n’a d’égal que mon embarras.
    — Croyez-vous véritablement que
je vais me satisfaire de vos remords et de votre embarras ? Vous me placez
dans une situation bien épineuse. Je vous dois la vie, l’honneur sauf
également. Pourtant, je ne saurai tolérer que l’on s’introduise en ma demeure,
jusque dans mes appartements, tel un filou. Qu’y cherchiez-vous ?
    — Rien, madame. En vérité.
    — En vérité ? Ah,
cela ! Bailleriez-vous le lièvre par l’oreille [68] , monsieur ? s’emporta-t-elle. Il faudrait alors apprendre à me
mieux mentir.
    — Je ne le puis. Je ne le
souhaite.
    Un incongru sourire illumina le beau
visage d’homme qui lui faisait face. Il baissa les paupières, hocha la tête et
murmura :
    — Pourquoi ne pas ranger cette
courte épée dans son fourreau ? Je doute que vous vous fendiez maintenant.
Quant à moi, je préférerais mille fois mourir que de vous tirer une seule
goutte de sang.
    Elle regarda l’arme comme si elle la
découvrait et s’exécuta.
    — Sortons, monsieur.
Accompagnez-moi jusqu’à la chapelle. J’en oublie à quel point votre présence
dans ma chambre est inconvenante. La messe d’aurore ne tardera pas à débuter.
Votre parole, chevalier, que nous reprendrons cette conversation où nous
l’avions abandonnée. Votre parole, j’insiste.
    — Elle vous est acquise, à
jamais, madame, rétorqua-t-il dans le même sourire.
    Elle sentit l’immensité du
sous-entendu sans pour autant le comprendre. Cet homme était-il si
insaisissable qu’elle ne parvienne jamais à le deviner ? Et pourtant, il
était tissé de lumière. De cela, elle était certaine.
     

Abbaye de femmes des Clairets,
Perche, décembre 1304
    Dissimulant derrière sa main en coupe
la faible clarté dispensée par son esconce, Clément avançait avec prudence,
courbé en deux. Il rasait les murs, certain que ses vêtements sombres se
fondaient à la pierre noyée d’obscurité. Un silence gelé pesait sur l’abbaye,
sporadiquement troublé par l’éclat du chœur dont les voix mêlées s’évadaient de
l’église Notre-Dame assez proche. Des pensées s’entrechoquaient dans sa tête,
sans suite. L’incendie, vite maîtrisé, avait-il atteint la bibliothèque
secrète ? Et si le grand carnet avait été détruit ? Il aurait dû
l’emprunter ainsi qu’il y avait songé. Certes, il avait recopié de sa petite
écriture fine les éléments qui lui paraissaient cruciaux. Cela étant, qu’en
savait-il, après tout, puisqu’il n’avait pas entendu grand-chose aux notes
couchées sur ces pages. Et si on le découvrait ? Ce jeu de cache-cache
confidentiel qui l’avait jusque-là amusé puisque, au fond, le danger d’être
surpris lui paraissait lointain, l’inquiétait en cette fin de nuit. Il
s’aplatit contre le sol et se tortilla afin de se faufiler entre les épais
barreaux qui défendaient le soupirail. Il avança la jambe, cherchant un appui
sur l’escabeau. Il lui sembla que ce dernier avait été reculé. Peut-être
quelqu’un en avait-il eu besoin dans la réserve. Enfin, il frôla la marche la
plus haute et se contorsionna.
    Une fois d’aplomb sur le sol de
terre battue, Clément huma l’air ambiant. Nulle odeur de fumée ne persistait.
Il gravit l’escalier en colimaçon qui grimpait vers la bibliothèque, déboucha
sur le palier et se figea. La porte dérobée qui ouvrait sur les appartements de
l’abbesse était grande ouverte. La panique lui dessécha la gorge et il recula
de quelques pas, terrorisé à la perspective qu’Eleusie de Beaufort n’entre et
ne le découvre. Aucun son ne parvenait de la pièce attenante qui devait être le
bureau. Reprenant un peu courage, Clément avança subrepticement. Plaqué contre
le mur, il risqua un coup d’œil prudent. La sœur apothicaire. Comment se
nommait-elle, déjà ? Annelette, sœur Annelette. La grande femme revêche,
qu’il avait parfois croisée dans les couloirs, était installée derrière une
lourde table de travail. Une de ses mains soutenait son front. Elle était
immergée dans la lecture du grand ouvrage ouvert devant elle. Comment
avait-elle eu connaissance de la bibliothèque ? Se pouvait-il que
l’abbesse l’ait autorisée à en emprunter les

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