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Le sang de grâce

Le sang de grâce

Titel: Le sang de grâce Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Andrea H. Japp
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en
direction des étuves et du chauffoir. Les deux femmes se lancèrent à sa suite,
pour piler bien vite et reculer précipitamment de quelques pas en découvrant la
porte du chauffoir ouverte. La tourière semblait fourrager dans une armoire,
retourner son contenu. Puis, le bruit d’une porte que l’on refermait d’un geste
sec. Elle ressortit bientôt, tenant cette fois dans ses bras un volumineux
paquet enveloppé d’une pièce de tissu blanc-gris. Les livres.
    Annelette était tendue à l’extrême,
prête à se jeter sur Jeanne d’Amblin afin de lui arracher son précieux butin,
mais une main brutale, en dépit de sa petitesse, la retint à temps par le dos
de sa robe. Elle tourna un regard furieux vers Esquive qui nia de la tête, en
posant un doigt sur ses lèvres. L’impatience gagnait l’apothicaire. Enfin, le
moment était venu. Pourtant, elle obtempéra. Lorsque Jeanne ne put plus les
entendre, la très jeune femme expliqua d’un ton presque inaudible :
    — Une intervention de notre
part serait prématurée. Si elle est aussi rusée que je le pense, elle va les
cacher ailleurs, dans un endroit plus accessible de jour. Il lui faut d’abord
monnayer sa sécurité avec madame de Neyrat. Sur ce point, je lui donne raison,
ajouta-t-elle avec une lueur d’amusement dans le regard qu’Annelette jugea
déplacée. Si Jeanne venait à manquer de prudence, l’autre n’en ferait qu’une
bouchée. Notre filature se poursuit.
    La tourière avait presque dépassé le
réfectoire lorsqu’elles débouchèrent de la galerie qui desservait les étuves.
L’obscurité était si dense autour d’elles que, n’eut été sa robe blanche et la fragile
flamme de son esconce, elles auraient sans doute eu grand peine à distinguer la
meurtrière. Que faisait-elle ? On eut dit que Jeanne d’Amblin se dirigeait
vers les appartements de l’abbesse. Esquive fronça les sourcils. Jeanne
était-elle beaucoup plus naïve qu’elle ne l’avait supputé ? Allait-elle
commettre la folie de remettre dès cette nuit les manuscrits à Aude de
Neyrat ?
    La tourière s’arrêta devant la haute
porte qui protégeait le bureau, puis la chambre de l’abbesse. Elle tira de sous
sa robe le double qu’elle avait fait réaliser grâce aux ruses de sa précieuse
complice. Elle entrouvrit l’épais battant et avança de quelques pas. Ses pieds
nus étaient si glacés qu’elle ne les sentait plus. Madame de Neyrat, en allègre
assassine, dormait du sommeil du juste dans la pièce voisine. Un mince sourire
détendit les lèvres de Jeanne d’Amblin. Tout se passait admirablement
jusque-là. Elle avait récupéré son confortable magot dans le reliquaire,
augmenté de celui, plus modeste de Mabile. Elle avait ensuite sorti les
ouvrages qu’elle avait dissimulés peut avant dans le chauffoir, au fond du
panier de vieux linges que l’on envoyait au ravaudage deux fois l’an. Sa
rouerie la satisfaisait : la cachette était si vile, si utilitaire qu’elle
était bien certaine que nul n’y songerait jamais. Sauf, peut-être, madame de
Neyrat, qu’elle créditait d’une vive intelligence mâtinée de ruse. Aussi
valait-il mieux déplacer au plus vite son précieux larcin, sa sauvegarde.
L’unique faille de la fausse abbesse se résumait au contentement qu’elle avait
d’elle-même, et Jeanne comptait utiliser cette faiblesse contre elle.
L’arrogante Aude ne penserait jamais qu’elle protégeait elle-même les
manuscrits qu’elle désespérait de récupérer pour le camerlingue. Quant à ce
furoncle d’Annelette, c’était le dernier endroit où elle irait fouiner. Le
bureau de l’abbesse. Trop banal, pas assez subtil à ses yeux.
    Jeanne d’Amblin avança tel un chat,
sur le qui-vive. Son haleine filait en volutes de buée. Elle se dirigea droit
vers son but : l’imposant buffet dans lequel Éleusie rangeait ses
registres. Elle y glissa les trois volumes, bien certaine que madame de Neyrat
éviterait avec soin la fastidieuse tâche d’y consigner chaque détail de la vie
du monastère. Au demeurant, la tourière ne l’en blâmait pas.
    Jeanne ressortit ensuite sans un
bruit, ravie de sa mystification. Elle rejoignit à la hâte le dortoir et se
coucha, sans se préoccuper de vérifier s’il n’y manquait pas quelqu’une.
    Esquive s’approcha à son tour du
lourd battant et tenta de l’entrouvrir.
    — Peste. Il est
verrouillé ! On ne m’a confié que la clef de la bibliothèque.
    Ce fut au tour

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