Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Le sang de grâce

Le sang de grâce

Titel: Le sang de grâce Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Andrea H. Japp
Vom Netzwerk:
malignité et empoisonné sa complice afin de s’assurer de son
éternel silence ? Qui, parmi les trois petites mortes, Éleusie de Beaufort
étant exclue de sa liste ? Adélaïde Condeau, la sœur organisatrice des
repas et des cuisines ? Non. Utiliser Adélaïde, bavarde et joyeuse, eut
été la marque d’une faible d’esprit et Annelette accordait volontiers de
l’intelligence à Jeanne d’Amblin. Hedwige du Thilay, la chevécière ? Sans
doute pas, Hedwige était trop nerveuse, souvent imprévisible et prompte aux
crises de mélancolie [85] . Yolande de Fleury ? Yolande était une âme pure. Elle n’aurait
participé à une telle monstruosité que contrainte et forcée, et encore. Oui,
mais si l’échange s’était réalisé grâce au petit Thibaut. De bonnes nouvelles
de l’enfant adoré de sa mère contre une connivence ? S’expliquait alors
que Jeanne eut menti en taisant le décès de l’enfant. Pourtant, la candidature
de Yolande ne convainquait pas l’apothicaire.
    Un glissement. Elle ferma les yeux et
força une respiration lente de dormeuse. Le chuintement léger d’une étoffe.
L’écho mat, à peine perceptible, de pieds nus sur les dalles du dortoir. Une
suée d’angoisse trempa la paume des mains d’Annelette Beaupré à la perspective
que, peut-être, Esquive ne l’épaulerait pas, que peut-être, elle s’était
trompée au sujet de la très jeune femme. Et que ferait-elle, toute seule ?
Elle était savante, scientifique, pas combattante et encore moins experte en
affrontements de muscles.
    Cesse ! Tu dépasses Jeanne
d’une bonne tête et tu pèses au moins trente livres* de plus qu’elle. Poule
mouillée que tu fais ! Grande dinde effarouchée ! Tu peux l’aplatir
sous toi sans difficulté, si vous en veniez là.
    Annelette tendit l’oreille. Le
silence s’était réinstallé, compact, seulement troublé par le souffle de ses
sœurs. Elle se leva avec prudence, inspectant du regard l’immense salle. La
cellule de Jeanne était vide. La voie était libre et elle devait se hâter afin
de ne pas perdre la trace de la tourière. Ses galoches de bois à la main,
Annelette Beaupré progressa tel un fantôme. Le froid implacable des dalles lui
remontait dans les mollets en dépit de ses bas épais. Elle tira sans bruit la
porte et passa la tête pour inspecter le long couloir dont l’extrémité se noyait
dans les ténèbres. Tout au bout, la silhouette de Jeanne obliquait à droite, en
direction de la salle des reliques. Était-ce sa cachette ? Annelette se
précipita à sa suite sur la pointe des pieds. Un bras enserra soudain sa
taille, manquant la faire hurler.
    — Chuuut, murmura Esquive.
Allons-y Plus un mot.
    Ce n’est qu’à cet instant
qu’Annelette découvrit la courte épée dans la main droite de la jeune fille. Le
soulagement que lui procurait cette arme, ainsi que la présence du mince stylet
qu’elle portait sous sa robe, l’inquiétèrent. Il fallait si peu pour plonger à
nouveau dans la sauvagerie.
    Elles contournèrent à leur tour le
pilier de coin et approchèrent de l’escalier qui menait à la salle des reliques
dont elles gravirent les premières marches, se courbant afin que Jeanne ne
puisse les apercevoir. La faible lueur d’une esconce dansait non loin d’elles,
comme suspendue en l’air. Ainsi, l’immonde avait tout prévu. Un raclement
métallique. Le reliquaire, songea Annelette. On soulevait le reliquaire offert
à l’abbaye par madame de Beaufort et renfermant, du moins le croyait-on, un
tibia de saint Germain, évêque d’Auxerre. La crainte l’envahit. S’était-elle à
nouveau trompée ? Même en admettant que le bel écrin à relique, fait de
verre serti dans des joints d’argent richement orfévré, comporte un
double-fond, ce qui était fréquent, il était impossible d’y glisser trois épais
volumes. Un nouveau grincement. Esquive la tira par la manche et elles se
reculèrent vivement, se rencognant derrière un des gigantesques piliers de
soutènement.
    Elles retinrent leur respiration
lorsque Jeanne les dépassa, et patientèrent le temps qu’elle s’éloigne un peu.
Annelette chuchota si bas qu’Esquive approcha son oreille de sa bouche :
    — Elle ne transporte rien
d’aussi volumineux que des livres. D’ailleurs…
    — Chuuut… Je jurerais qu’elle
n’en a pas fini. Suivons-la toujours.
    Jeanne avançait rapidement dans
l’interminable couloir qui conduisait au cellier. Elle disparut à gauche

Weitere Kostenlose Bücher