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Le sang des Dalton

Le sang des Dalton

Titel: Le sang des Dalton Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Ron Hansen
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plaquait les mains sur les oreilles.
    Bob a foncé jusqu’au tas de briques devant le music-hall, où auraient dû être attachés nos chevaux, de l’autre côté d’Union Street. Il a marqué une pause à l’ombre de l’avant-toit, le dos contre le mur, tandis que, serrant la lourde musette sous mon manteau, je tricotais des pinceaux dans mes bottes qui me semblaient peser dix kilos. George Cubine était planté sur le trottoir devant Rammel et Charles T. Brown, le cordonnier, était avec lui, désarmé. Il avait du cirage noir sur les mains. Bob et moi nous sommes engagés dans la rue et mon frère a tiré à deux reprises sur Cubine, le blessant à la cheville et à la jambe gauche. Il commençait à s’écrouler quand Bob a fait feu à nouveau. La balle a stoppé net le cœur de Cubine et lui a emporté l’omoplate gauche. Sa tête a heurté si violemment la chaussée que ses yeux morts ont cillé et que du sang lui a dégouliné du nez.
    Brown n’arrivait pas à croire que l’on puisse tuer aussi inconsidérément. Il ne savait s’il devait s’indigner ou se désoler.
    « Espèces de fumiers ! a-t-il vitupéré. Espèces de fils de chiennes ! On a fait des chaussures pour vous ! »
    Brown est laborieusement descendu du trottoir, une jambe après l’autre, il a ramassé le fusil de Cubine et mon frère a braqué son arme sur la poitrine du vieil homme. La balle de Bob cassa en deux un crayon dans la poche de chemise de Brown, qui s’étala en arrière, les mains crispées sur le cœur, tel un acteur. Sur le trottoir couvert, le petit Jack Long était cloué sur place. Bob a tiré juste à côté de lui en guise d’avertissement et Long est promptement rentré chez Rammel.
    Je me suis mis à galoper dans mes lourdes bottes, mais Bob est demeuré au milieu de la rue, le fusil à l’épaule. Sur le trottoir, cent mètres plus loin, j’ai avisé Tom Ayres, le caissier de la First National, qui insérait des cartouches dans un fusil expédié par le gouvernement devant la quincaillerie Isham. Il avait retiré ses brassards élastiques. Le tir de Bob lui frappa la pommette au-dessous de l’œil et ressortit par l’arrière du crâne. Ayres en eut la moitié du visage ravagée, mais il vécut encore bien des années. Quand il est mort, j’ai adressé une carte de condoléances à sa veuve, qui m’a gracieusement répondu.
    Une douzaine de clients de l’hôtel étaient accroupis sur un monceau de charbon derrière une palissade et des mères de famille poussaient leur progéniture vers la cave, où les fusils ne faisaient guère plus de bruit que des grains de maïs éclatant dans une casserole ; un shérif adjoint effrayé s’était réfugié sous les charrues à l’intérieur de la quincaillerie Read et quand une balle a ricoché sur l’une des lames, il s’est écrié : « Rajoutez des charrues ! »
    J’ai changé de main, empoigné le sac d’argent de la droite et je me suis précipité vers le côté opposé de Walnut Street, en me baissant. Sitôt les briques de la place derrière moi, je me suis arrêté dans la terre de la Huitième Rue et je me suis penché pour soulager la douleur qui me vrillait les flancs. Je manquais d’air. Les cantonniers noirs avaient rampé sous un trottoir et me fixaient dans l’ombre, le menton sur les poings. Bob a traversé Walnut Street au petit trot, tenant son fusil à deux mains. Il s’est immobilisé à côté de moi et a observé la Huitième Rue. Un portrait s’encadrait dans chaque fenêtre.
    « Ça va ? s’est inquiété mon frère.
    — Je suis juste essoufflé », l’ai-je rassuré.
    Il m’a souri comme s’il ne s’était jamais autant amusé de sa vie. Il avait ôté sa barbiche postiche inutile et il a fait de même avec ma barbe, mais m’a laissé ma moustache.
    « Prends ton temps, Emmett, m’a-t-il réconforté. Vas-y doucement. Je suis de taille à botter le cul de toute la ville. »
    Miss Moore était agenouillée dans le cimetière, le front contre la pierre tombale froide de mon frère Frank, quand l’inquiétante fusillade débuta. Elle entendit les armes trop nombreuses qui faisaient trop de bruit sur la place, aussi sonores depuis le cimetière qu’un orage faisant claquer les volets des fenêtres, arrachant les bardeaux du toit et jetant par terre les bocaux vides posés sur le rebord de la fenêtre. Elle s’assit dans l’herbe et se balança d’avant en arrière, les genoux serrés entre les bras, les

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