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Le sang des Dalton

Le sang des Dalton

Titel: Le sang des Dalton Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Ron Hansen
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vent, les rênes entre les mains, pendant que Bob, impassible, étreignait sa Winchester sous sa veste, assis à côté de moi, indifférent aux flocons sur le bord de son chapeau, dans ses cils et sur ses épaules.
    « Dès que j’ai appris la mort de Frank, je me suis juré de devenir le meilleur marshal que l’Ouest ait jamais connu et je m’y suis vraiment employé  – tu le sais, m’a-t-il déclaré alors que nous étions sur la route de Coffeyville depuis une dizaine de minutes. Mais il est hors de question que je me prenne une balle dans les dents pour deux malheureux dollars de récompense. Je me sens coupable, Emmett. Merdeux, même. Mais je n’oublierai jamais la promesse que je me suis faite. Je ne veux pas crever comme ce pauvre Frank, je ne veux pas agoniser au fond d’un lit comme Simon et je ne me laisserai jamais aveugler par l’amour au point de me faire tirer comme un lapin pendant que je selle mon cheval, comme le macchabée à l’arrière. »
    J’ai adressé un claquement de langue aux bêtes sans rien dire, mais je me suis rendu compte que Bob me dévisageait et qu’il attendait une réaction de ma part. Il me semble aujourd’hui que je n’avais alors aucune opinion propre et, partant, aucun commentaire à offrir.
    « Je n’ai rien à ajouter, Bob. Tu m’as ôté les mots de la bouche.
    — Ta gueule. »
    Il était minuit passé quand nous avons atteint Coffeyville. Bob a réveillé Lape, le croque-mort, qui habitait un immeuble au soubassement en briques dans la Neuvième Rue et a pris place à l’arrière en silence, puis nous avons emprunté Walnut Street jusqu’à une enseigne suspendue à un avant-toit en bois, qui indiquait :
     
    LANG & LAPE,
MARCHANDS DE MEUBLES
ET ENTREPRENEURS DE POMPES FUNÈBRES.
     
    « Je vais devoir rédiger des rapports, a prévenu Lape. Poser des questions.
    — Aucun problème », a répliqué Bob.
    Nous avons déchargé le corps à deux et l’avons assis, à demi avachi, sur le trottoir en planches, pendant que Lape cherchait ses clés dans sa poche. Il s’est avancé en se cognant jusqu’au fond du magasin et a allumé une lanterne crasseuse au-dessus de la table d’embaumement.
    Bob a enlevé ses gants et chassé la neige du visage et du manteau du mort, puis il est resté accroupi là, à le détailler.
    « Je l’ai surpris en train de cambrioler l’écurie et la maison de Seymour ; un instant plus tard, il était mort. Je ne saurais dire si j’avais l’intention de le tuer ou non. J’ai été le premier surpris. »
    Lape avait enfilé un tablier et des gants en caoutchouc et manipulait un flexible.
    « C’est toute la magie des armes à feu », a-t-il ironisé.

4
    Je dois une bonne partie de ce que je sais aux lettres qu’Eugenia Moore et moi avons échangées au cours de mes premières années en prison. Les miennes n’étaient pas signées, aussi courtes qu’un mot au dos d’une carte de vœux, et adressées à des bureaux de poste dans des villes minuscules où elle n’habitait sans doute pas. Les siennes étaient longues de neuf ou dix pages et regorgeaient d’anecdotes et de souvenirs qui me laissaient songeur. Elle désirait tout savoir sur mon frère Bob avant leur rencontre à Silver City, au Nouveau-Mexique, et m’abreuvait en retour d’histoires sur lui.
    « Le vol de chevaux a été notre principale occupation en 1889 et 1890 », ai-je un jour exposé à Miss Moore, avant de me perdre en détails suspects pendant sept pages écrites en pattes de mouche au crayon sur du papier à lettres de la prison.
    « Voilà qui paraît bien téméraire », m’a-t-elle répondu.
     
     
    On appelait alors ça pudiquement du maquignonnage, et ça payait bien. Une jument poulinière pouvait rapporter quarante dollars et un hongre quinze, ce qui nous permettait de séjourner dans des hôtels qui avaient l’eau courante et de mener grand train comme des joueurs professionnels. Nous étions toujours de plutôt bons représentants de la loi, si ce n’est que la nuit, nous taillions des croupières aux ranchers indiens, que nous haïssions. Nous attrapions les animaux égarés au lasso, nous capturions les retardataires avec des entraves et, de manière générale, nous faisions main basse sur toutes les bêtes que nous pouvions escamoter sans risque. Quant aux éleveurs blancs plus aisés, nous les saignions à blanc justement, allant quelquefois jusqu’à ouvrir les portes des corrals et à semer la panique

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