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Le sang des Dalton

Le sang des Dalton

Titel: Le sang des Dalton Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Ron Hansen
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deux adjoints assoiffés de Kingfisher. Et j’ai dans mon bureau un pistolet Hopkins & Allen de 1873 donné par mon frère à un certain Dr Steaman en récompense de ses « services professionnels »  – services dont j’ignore la nature, mais après tout, je n’étais pas au courant des moindres faits et gestes de Bob.
    Cela coûtait cher, mais cette protection nous était nécessaire, car nous étions aussi traqués que la bande des frères James, pourtant plus implacable et plus active, vingt ans plus tôt. Lorsque, dans la même soirée, deux trains furent attaqués, l’un à St Charles, dans le Missouri, et l’autre à El Paso, au Texas, à plus de seize cents kilomètres de là, on nous accusa des deux crimes, quand bien même nous n’étions coupables d’aucun. Qu’il manque à un rancher l’un de ses bouvillons et il soutenait que nous l’avions abattu pour nous tailler des steaks. Une maison cambriolée à Fayetteville, des pupitres renversés, des flacons d’encre brisés sur les tableaux à Durant, un bijoutier cambriolé dans une voiture Pullman lors d’un arrêt nocturne à Amarillo  – tous ces forfaits, selon les journaux, portaient indubitablement la marque des Dalton.
    Venaient en prime les détectives : Chris Madsen, Heck Thomas, Bill Tilghman, et bien d’autres encore. Des vendeurs d’encyclopédies sans échantillons faisaient du porte-à-porte à Guthrie, lorgnant placards et salons tandis qu’ils dévidaient leur argumentaire mécanique ; des agents de Pinkerton faisaient le pied de grue devant les bazars et les bureaux de poste où Bill avait reçu des lettres de son épouse ouvertes à la vapeur. La Southern Pacific envoya Will Smith à Kingfisher pour interroger Mrs Dalton. Alors que, assis sur le canapé violet rembourré, un sac de grosse toile serré sur l’estomac et un mouchoir pressé contre la joue, Smith attendait que ma mère sorte de la cuisine, sous le regard insistant de ma sœur penchée en avant sur une chaise Shaker, les chevilles collées l’une contre l’autre, mon frère Littleton était apparu dans l’embrasure de la porte, en train de se sécher les mains, et il avait froncé les sourcils. Sa chemise de travail bleue était constellée d’éclaboussures sombres.
    « J’ai cru comprendre que vous distribuiez des échantillons de semences potagères, lâcha-t-il.
    — Il patiente jusqu’à ce que maman ait fini de préparer le ketchup », expliqua ma sœur en se retournant.
    Smith écarta son sac et se leva.
    « Vous êtes Littleton, n’est-ce pas ? fit-il.
    — Nous ne sommes pas des mouchards, Mr Smith, s’irrita mon frère. Nous en avons assez des gens de votre espèce.
    — Je sais exactement ce que vous ressentez. Faut-il que je n’aie plus aucun amour-propre pour tenter ma chance avec ce déguisement de pacotille ! » Il ramassa son sac et se dirigea vers la porte. Il remarqua un merle migrateur dans l’herbe jaune de la cour. «  On dirait que le printemps va être en avance, hein ? » 
    Il claqua si violemment la porte derrière lui que le calfeutrage se défit en partie. Il tourna cependant à nouveau la poignée et se pencha à l’intérieur.
    « Je prie chaque soir pour que votre frère Grat ne soit pas en train de se faire dévorer par les vautours. Au milieu du désert. Où je ne peux pas le voir. »
    Toutes mes années de méditation et de repentance n’ont à ce jour pas réussi à atténuer mon mépris pour cet homme.
     
     
    À l’issue de son odyssée record de plus de trois mille périlleux kilomètres en cent sept jours, mon frère Grat arriva à cheval en Oklahoma, au corral de branchages que Charlie Pierce avait aménagé près de mon abri, au milieu de fourrés de cèdres, dont un pique-assiette lui avait indiqué le chemin. Il n’y avait bien sûr personne, ce qui surprit Grat, car il ne savait pas que Bob avait dissous la bande. Il dénicha des conserves de jambon à la diable, de sardines et d’abricots que j’avais cachées dans la terre meuble à côté du fourneau. Il s’affala sur le matelas d’un lit de camp, ouvrit les boîtes avec son canif et engouffra la nourriture avec les doigts. Il dormit ensuite jusqu’au lendemain, se lava avec un bloc de savon à lessive dans la South Canadian et se laissa rôtir, nu, sous le soleil printanier, sur les pierres tièdes, jusqu’à ce qu’il soit sec, dans l’attente qu’on le découvre.
    Le pique-assiette qui l’avait expédié là-bas

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