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Le sang des Dalton

Le sang des Dalton

Titel: Le sang des Dalton Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Ron Hansen
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nous en a informés et a obtenu dix dollars en guise de dédommagement  – la moitié de ce qu’il exigeait. Je me suis rendu à l’abri et j’y suis tombé sur un piteux énergumène, barbu et émacié, tout en orbites, en pommettes et en côtes. La première chose dont il m’a fait part, c’est que son copain Dangerous Dan était capable de faire tenir en équilibre un poignard sur sa langue.
    J’ai accompagné Grat jusqu’à un hôtel de Dover et il m’a parlé d’une femme de l’Est qu’il avait peut-être  – mais peut-être pas  – rencontrée au cours de ses pérégrinations.
    « Je lui ai dit que j’avais lu tout ce que je voulais savoir sur New York, m’a-t-il exposé. Je lui ai dit : “Vous avez des tramways, des musées d’art et des étrangers qui vendent des bretzels chauds. Vous avez Wall Street, des voleurs à la tire et des dandys qui portent des demi-guêtres et mâchouillent des cerises enrobées de chocolat.” Je lui ai dit : “Je suis content que vous ayez décidé de vous aventurer dans l’Ouest pour faire la connaissance de véritables êtres humains.”
    — Et ça t’a mené quelque part avec elle ? me suis-je renseigné comme un pedzouille.
    — Ça fait si longtemps que je fais sans, Emmett, que j’ai même plus l’inclination. Et j’aime pas cette odeur qu’ont les femmes. »
     
     
    La famille célébra en grande pompe le retour de mon frère. Bob loua un restaurant de Dover et le clan au complet, y compris Eugenia et hormis ma bien-aimée, se rassembla pour un repas du dimanche servi par de timides jeunes femmes noires aux cheveux retenus par un foulard, dont les allées et venues à la cuisine étaient coordonnées par Amos Burton, le vacher noir. Les femmes étaient de bonne humeur, les hommes mangèrent le fusil en travers des genoux et les filles chantèrent « A Frog Went A-courtin’ » et « Shoo, Fly, Shoo », pendant que je montais la garde, appuyé contre le jambage de la porte, un fusil de chasse dans les bras, contemplant les flaques de pluie dans la rue, à guetter l’instant où les forces de l’ordre attaqueraient en masse et nous anéantiraient. Il aurait été facile de nous avoir ce jour-là.
    Ma mère garda une main sur le poignet de Grattan et se contenta de regarder chacun d’entre nous tour à tour pendant la majeure partie du dîner. Elle pesait dans les quarante kilos et son œil droit défaillant avait la paupière tombante.
    « Tous mes garçons seraient-ils enfin de retour ? » avait-elle chevroté avec un sourire.
    À la fin du repas, Bob s’était éclipsé dehors pendant une heure avec Eugenia pour s’entretenir avec elle de la reconnaissance qu’elle avait accomplie à la gare de Red Rock. Puis, sur le seuil, il nous avait adressé un signe de tête à Grat et à moi. J’avais récupéré mes sacoches de selle et ma mère m’avait suivi.
    « Vous repartez déjà, les garçons ? » s’était-elle désolée.
    Bob s’était accoté contre le chambranle et lui avait fait quelque réponse filiale. Elle l’avait dévisagé, les traits tirés.
    « Eh bien, ne perdez pas courage et quittez ce pays de sauvages avant de faire du mal à qui que ce soit. On dirait qu’il est trop tard pour faire autrement. » Elle posa une main sur mon poignet et sur celui de Grat, qui paraissait hypnotisé par une lanterne suspendue au-dessus de l’entrée. « Promettez-moi que vous vous serrerez toujours les coudes, mes enfants. »
    Nous avons poussé la porte et nous sommes allés détacher nos chevaux.
    « J’ai horreur de ces simagrées, a lancé Bob. Pas vous ? »
    J’étais presque en selle quand Eugenia m’a fait penser à mon harmonica. Elle a retenu mon cheval par la bride et je suis retourné chercher mon instrument à table. Ma mère m’a adjuré de prier avec elle. J’ai retiré mon chapeau et baissé la tête en lorgnant du coin de l’œil les cadets de la famille qui se payaient ma fiole.
    « Que le Seigneur te bénisse et te protège, puisse-t-Il t’éclairer de Sa lumière dans ce monde comme dans le suivant », a-t-elle récité.
    Je n’ai pas réagi.
    « Dis : “Amen”, m’a-t-elle enjoint.
    — Amen », ai-je répété, avant de bondir en selle sitôt dehors et de détaler au galop aussi vite que je le pouvais.
     
     
    Je ne me souviens plus avec précision de toutes ces dates. Je sais seulement qu’en mai, mon frère Bill, toujours aussi enjôleur et persuasif, en jodhpur et

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