Le secret de la femme en bleu
prince t’ait désigné pour mener les recherches nécessaires… oui, toi qui es, à la fois, cousin et fidèle ami de Charles le Bien-Aimé… et aussi toi dont on vante la perspicacité… et la discrétion… enfin toi que je connais et qui me connais, toi que je sais éloigné de toute intrigue ou cabale. Et Dieu sait…
— Voilà, je le crains, un portrait trop flatteur, intervint le comte avec un sourire. Charles le Juste m’a confié tout pouvoir pour mener, dans la discrétion en effet, une enquête sur le scandale qui s’est produit en ce palais. Elle sera conduite, selon ses ordres, sans complaisance ni faiblesse…
— C’est mon vœu le plus cher.
— Charles le Grand m’a demandé d’être rigoureux. Je le serai !
Après un court silence, Régina indiqua :
— Peut-être souhaites-tu entendre de ma bouche ce qui s’est passé ici en cette détestable nuit… du moins ce que j’en sais.
Childebrand passa la main sur sa courte moustache.
— Sans nul doute, acquiesça-t-il, mais je souhaite d’abord inspecter cette résidence. Mon dernier séjour en ce palais remonte à plus de trois ans. Bien des modifications ont dû y être apportées. Le souvenir que j’en ai gardé a besoin d’être rafraîchi. D’autre part, je veux entendre les témoignages des uns et des autres sur ces événements exécrables avant que tu m’apportes le tien. De cette façon je pourrai retirer de ton récit tous les enseignements, ô combien précieux, je n’en doute pas, qu’il ne manquera pas de m’apporter.
Guidé par le commandant et par le comte Hainrik, Childebrand, accompagné par Doremus et Sauvat, commença son inspection par la grande entrée située au nord-est de la villa impériale. C’est là qu’aboutissait la route venant du nord. A proximité immédiate se trouvait le port sur la Moselle, principale voie d’accès quand la rivière n’était pas prise par les glaces. La villa comprenait de nombreux bâtiments répartis sur un vaste espace. Elle était entourée d’une enceinte formée d’une levée de terre sur laquelle était plantée une palissade de pieux appointés et derrière laquelle avait été creusé un fossé empli par les eaux détournées de la Moselle. Sur le talus, devant la palissade, courait un chemin de ronde. Médéric affirma qu’il était emprunté sans cesse par des patrouilles, de jour comme de nuit.
Childebrand et son escorte parcoururent d’abord, à cheval, la route contournant la villa, à l’extérieur. Il put remarquer qu’en plusieurs endroits des ponts avaient été jetés sur le fossé et des ouvertures pratiquées dans le rempart pour des accès de service et aussi pour rejoindre la route de l’ouest. Au sud, une porte permettait le passage de convois venant de Metz ou se dirigeant vers cette cité. C’est par là que le comte et ceux qui l’accompagnaient rentrèrent dans la résidence.
Des allées conduisaient à plusieurs bâtiments : casernement, écuries et chenil, granges et resserres, logements pour les hôtes du souverain… Le palais proprement dit était un vaste édifice construit moitié en pierre, jusqu’au premier étage, moitié en bois, au-dessus. Le comte Childebrand et ses assistants ainsi que son escorte, après avoir traversé la cour d’honneur, pénétrèrent dans une antichambre. Les logements du chambellan et du sénéchal, occupés respectivement, pour l’heure, par le comte Hainrik et par Hunault, s’ouvraient directement sur ce vestibule.
L’aile gauche abritait les logis et services des officiers qui, sous les ordres du sénéchal, étaient chargés de l’entretien, des approvisionnements, de la garde-robe, de la nourriture…
Une grande partie de ce corps de bâtiment, présentement vide, était attribuée au comte du palais ( 7 ) et à ses auxiliaires qui disposeraient d’une salle pour les interrogatoires, d’une cour de justice et d’une prison. C’est également dans cette aile qu’était logé le chancelier Romuald.
Le missus dominicus put observer qu’on édifiait non loin de là un imposant bâtiment. Hainrik expliqua qu’il était destiné à accueillir ce « plaid général », assemblée de tous les grands de l’empire, que Charlemagne se proposait de réunir à l’automne en une session de première importance.
Soucieux de ne rien négliger, le comte Childebrand interrogea le représentant du chambrier sur la domesticité. Hainrik indiqua qu’une notable partie de cette
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