Le Secret de l'enclos du Temple
le temps avait fraîchi, mit pied à terre et invita la prisonnière à descendre.
Découvrant les bâtiments ruinés tapissés d'un lierre sinistre, le grand donjon et les gens en armes qui entouraient le carrosse, elle refusa de sortir. Le frère du comte lui dit alors sèchement qu'il était étonné de la voir en pareil état, puisqu'elle avait elle-même suggéré ce rapt à M. de Bussy.
Mme de Miramion répondit vertement qu'elle ne connaissait aucun M. de Bussy et qu'elle était victime d'une atroce violence. Que la reine le saurait et les punirait avec la plus extrême sévérité. Étonné et mal à l'aise, Guy de Bussy lui jura qu'il ne lui serait fait aucun mal. Il se présenta comme le frère du comte de Bussy et la supplia de la suivre. Son frère était à l'intérieur et elle pourrait s'expliquer avec lui. C'était un gentilhomme, lui assura-t-il, et si il y avait eu confusion, elle serait immédiatement libérée.
Ne pouvant rien faire d'autre, elle accepta et se rendit dans la grande salle basse de la commanderie. Là, découvrant deux pistolets sur une table, elle s'en saisit avant que quiconque ait pu l'en empêcher et recommanda son âme à Dieu.
Le comte de Bussy, qui se trouvait dans la pièce voisine, entra à cet instant et la supplia de ne pas accomplir une telle folie. Il lui proposa de dîner, la table était mise, et de s'expliquer, mais elle répliqua qu'elle ne toucherait à rien tant qu'elle ne serait libérée.
Entre-temps, Guy et les autres gentilshommes étaient tous entrés, ainsi que la dame de compagnie sanglotant, persuadée d'être troussée par les soudards dès qu'ils en auraient fini avec sa maîtresse.
— Mme de Miramion m'a dit ne pas te connaître, déclara Guy à son frère, d'une voix blanche et sur un ton de reproche. Elle a protesté tout au long du voyage de la violence qui lui était faite. J'avoue ne pas comprendre…
— Est-ce possible, madame ? s'enquit le comte, désorienté.
— Où suis-je ? demanda-t-elle, tandis que sa femme de chambre l'avait rejointe et s'était serrée contre elle.
— Je suis le comte de Bussy-Rabutin, madame, et vous êtes dans le château de Launay, près de Sens. Je n'ai fait que vous obéir en vous enlevant, madame, puisque c'est ainsi que vous souhaitiez que je vous épouse.
— Vous êtes fol impudent, monsieur ! lui lança-t-elle, avec des éclairs dans les yeux.
— Je n'aurais jamais fait ce que je viens d'oser, si je n'avais eu votre accord, madame. Pour rien au monde je ne veux vous contraindre. Je ne suis ni de condition ni d'humeur à forcer une femme. J'étais persuadé que vous souhaitiez que je vous enlevasse. Mais si je me suis trompé, je vais vous faire conduire sur l'heure à Sens.
— Libérez-moi, monsieur, et j'userai de cette liberté, dit-elle fermement.
— Je suis votre serviteur, madame, mais laissez-moi au moins me justifier : c'est le père Clément, votre confesseur, qui m'a dit que vous souhaitiez être enlevée…
Il sortit de son pourpoint la lettre du moine et la lui mit sous les yeux. Elle la parcourut avant de la jeter au sol en haussant les épaules avec tout le mépris qu'elle pouvait afficher.
— J'ignore qui est ce Leboccage, et si je connais en effet le père Clément, c'est un saint homme à l'âme pure qui ne peut être complice de cette ignominie. Votre lettre n'est qu'un faux grossier destiné à justifier votre infamie !
Désemparé, humilié, Bussy se jeta à genoux, les bras tendus, implorant son pardon. Mais Mme de Miramion, levant solennellement une main, lui déclara sans même le regarder :
— Monsieur, je jure par le Dieu vivant, mon créateur et le vôtre, que je ne vous épouserai jamais !
À ces mots, brisée sans doute par la fatigue et l'émotion, elle s'évanouit.
*
On la transporta sur un lit où elle revint à elle au bout de quelques instants. Les amis de Bussy commençaient de murmurer entre eux. Que faisaient-ils là ? Bussy les avait-il trompés ? Désemparé, le comte proposa à la jeune femme de souper avant de la conduire à Sens.
Malgré sa faiblesse, elle déclara ne rien vouloir manger et insista à nouveau pour partir sans attendre. À ce moment, un laboureur apparut. Guy le connaissait et le conduisit dans la pièce mitoyenne pour l'entendre seul.
— Deux archers des gabelles sont passés au village, monsieur. Le prévôt des maréchaux a été avisé par le maître de poste d'un relais qu'une dame criait dans un
Weitere Kostenlose Bücher