Le Secret de l'enclos du Temple
Charles de Baatz, seigneur d'Artagnan, attendit en vain la venue du père Clément. Au matin du lendemain, quand tierce 123 sonna, il brûlait tellement d'impatience qu'il se rendit au couvent de la Merci pour savoir ce qui se passait. Peut-être le frocard était-il malade ?
Là-bas, il demanda au frère tourier à voir le père Clément. L'autre baissa les yeux et parut embarrassé. D'Artagnan, guère patient, répéta sa requête en haussant le ton. Terrorisé par le matamore, l'autre recula d'un pas avant de bredouiller :
— Il… Il… est… est…
— Est, quoi ? gronda Baatz, en serrant les poings.
— M… Mo… Mort !
— Mort ? Quand ? De quoi ?
— Je… je ne sais pas… monsieur…
D'Artagnan l'attrapa par sa robe et le secoua.
— Par la mordieu, mais parle donc, drôle !
— On… lui… a fendu… le crâne… d'un coup d'épée… On est allé chercher son corps au Châtelet… hier soir.
— Qui ?
— P… Personne… ne sait, monsieur. On l'a trouvé mort, rue du Temple…
D'Artagnan lâcha le moine et sortit sans plus poser de question. Priant Dieu et le Diable de ne point arriver trop tard, il se rendit immédiatement chez Mme de Miramion en songeant que l'homme confessé par le moine avait dû deviner, ou apprendre son double jeu et l'avait tué.
Chez la jeune veuve, le majordome lui expliqua que sa maîtresse était partie depuis deux heures assister à une messe au Mont-Valérien. Fou d'inquiétude, Baatz se précipita au Palais-Royal où ses compagnons l'attendaient avec impatience devant le corps de garde des Suisses.
Hélas, sans nouvelle de lui, plusieurs s'en étaient allés et il n'en restait que sept. Ensemble, ils partirent au galop vers le Mont-Valérien.
*
Le récit de l'enlèvement de Mme de Miramion a été relaté par le comte de Bussy et par de nombreux mémorialistes tant il fit scandale à l'époque. Bussy l'avait organisé comme une opération militaire. Il s'agissait d'arrêter la voiture de Mme de Miramion au retour du Mont-Valérien, dans les bois de Saint-Cloud, puis de prendre la route de Sens avec la prisonnière en passant au nord de Paris afin de gagner le château où aurait lieu la noce. Il y avait une trentaine de lieues à faire, soit tout de même six ou sept heures de galop avec un carrosse et des chevaux frais.
Le comte avait avec à ses côtés son frère, Saint-Félis, et cinq autres gentilshommes de ses proches. Quatre relais avaient été préparés.
Le carrosse de la veuve fut arrêté à l'endroit prévu où attendait une voiture à six chevaux, mais les hommes de Bussy, qui n'étaient que trois, ne parvinrent pas à faire descendre Mme de Miramion et les femmes qui se trouvaient avec elles.
Devant leur résistance et leurs cris, Saint-Félis fit dételer les deux chevaux de la voiture et les remplaça par les six du véhicule préparé. Dès la manœuvre accomplie, le cocher lança ses bêtes à toute bride tandis que les femmes hurlaient leur détresse.
Dans la forêt de Livry, les ravisseurs s'arrêtèrent pour faire descendre la belle-mère, le vieil écuyer et une des femmes de chambre… qu'ils abandonnèrent en plein bois. Ils repartirent avec seulement Mme de Miramion et sa dame de compagnie. Un des hommes monta alors avec les femmes, mais Saint-Félis et le frère de Bussy constatèrent avec inquiétude que Mme de Miramion hurlait autant qu'avant. Pourtant sa belle-mère n'était plus là ! Pourquoi continuait-elle à jouer la comédie ?
Au premier relais, Mme de Miramion appela au secours et tenta de s'enfuir. Plusieurs personnes, attirées par ses hurlements, s'approchèrent et la virent se débattre dans les bras d'un homme. Elle parvint même à saisir une dague et à blesser légèrement celui qui tentait de la maîtriser. Heureusement, le collet de buffle du ravisseur dévia les coups. Le frère de Bussy cria alors aux badauds que c'était une folle qu'ils conduisaient dans un couvent et le carrosse repartit au galop dès les chevaux changés.
La voiture roula ainsi durant des heures sur des chemins défoncés. Mme de Miramion, épuisée, sanglotait sans cesse. Les ravisseurs arrivèrent à la nuit tombée à une vieille bâtisse massive et isolée, avec un donjon d'angle, dans laquelle ils pénétrèrent par le pont dormant et une porte fortifiée. C'était le château de Launay, une ancienne commanderie du Temple. Dans la cour, Guy de Rabutin, couvert de son manteau d'hospitalier puisque
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