Le Secret de l'enclos du Temple
cardinal.
Seulement la famille de Bussy était une des plus nobles de France, et le comte un officier supérieur du prince de Condé. Le cardinal suggéra donc prudemment que le prévôt de l'Hôtel du roi instruise l'affaire et rassemble des preuves.
Le dossier aboutit deux jours plus tard dans les mains de Gaston de Tilly.
*
M. de Tilly, bien qu'ayant été reçu maître des requêtes par commission au conseil des parties, avait toujours la charge de procureur du roi à la prévôté. Certes, il déléguait les affaires aux autres procureurs, mais en lisant le mémoire transmis par le secrétaire du prévôt, il décida de s'occuper personnellement du comte de Bussy. M. Séguier lui avait d'ailleurs raconté l'affaire la veille et, à cette occasion, lui avait appris que le comte avait demandé sa protection au prince de Condé et supplié M. de Champlâtreux, le fils du président Molé, proche du prince, d'intervenir auprès de la famille de Mme de Miramion afin de lui demander de retirer sa plainte.
Ayant appris que Bussy-Rabutin se trouvait toujours dans sa maison du Temple, Gaston décida d'aller l'interroger, mais sans greffier ni exempt pour éviter toute provocation. Secrètement, il était toutefois assez réjoui à l'idée que celui qui l'avait battu à l'épée subisse les foudres de la justice. Après l'assaut dans la salle de la rue du Jour, il avait cru s'être trompé sur lui mais découvrait maintenant combien son jugement était correct. Bussy était un fat arrogant, ravisseur de femme et détrousseur d'honneur. S'il s'avérait coupable – et tout l'indiquait –, Gaston se jurait de le faire déchoir de la noblesse et condamner aux galères.
C'est dans cet état d'esprit qu'il laissa son cheval à l'écurie du Chêne-Vert et se rendit à l'hôtel du prieur. Là, un page l'avertit que le comte habitait désormais sa propre maison. Guidé par le gamin, Gaston s'y rendit à pied pour apprendre d'un valet que son maître était chez M. de Champlâtreux. L'ordonnance lui proposa d'attendre, ce que Tilly refusa, ignorant combien de temps il aurait à patienter.
Il repartit, en longeant l'église du Temple, vers l'écurie. Sur le parvis, un gentilhomme imberbe, tenant le manteau noir des hospitaliers roulé sur son épaule, le dévisagea avec insolence. Tilly l'ignora et poursuivit son chemin vers le passage conduisant à la grande cour.
— Vous paraissez bien pressé, monsieur le rouquin, lança le gentilhomme, goguenard. Vous avez rendez-vous avec quelque vérolée ?
Tilly frémit, s'arrêta, et se retourna.
— C'est à moi que vous parlez, monsieur ?
— Je ne vois pas d'autre rouquin ici, plaisanta l'homme en regardant autour de lui avec une expression moqueuse, faussement ahurie.
Gaston fit quelques pas vers l'insolent. Comme il était contrarié de ne pas avoir vu Bussy, son sang bouillait. L'autre s'avança à son tour. Il était bien plus grand et, d'un geste de la main, le bouscula.
Gaston mit la main à son épée :
— Faquin, vous allez me le payer !
— Vous avez une épée ! ironisa l'autre. Savez-vous vous en servir ?
Tilly inspira un grand coup. Il venait de comprendre avoir affaire au duelliste recherché. Ainsi, Rabutin ne l'avait donc pas tué ! Décidément, ce comte de Bussy se révélait un bon à rien ! Il allait donc devoir achever la besogne.
— Je vous attends où vous le désirez, monsieur, proposa Gaston, en s'inclinant.
— Maintenant, sur la butte aux moulins. Me suivez-vous ?
Tilly acquiesça et les deux hommes se mirent en route.
Arrivés sur le terrain vague, les adversaires se saluèrent et Gaston se mit en garde de sixte tandis que l'autre se mettait en pointe haute. Très vite, l'hospitalier lança une attaque destinée à provoquer une réaction, mais son adversaire la para avec désinvolture. À son tour, il s'empara du fer adverse et fut à deux doigts de le toucher.
Cet homme n'est pas très fort, jugea-t-il.
Brusquement, l'hospitalier tenta une estocade que Gaston évita, mais ce n'était qu'une fausse attaque et cette fois il se mit sur la défensive. Durant un moment, on n'entendit que le froissement des lames. Soudain Tilly détourna le fer de l'hospitalier et rabattit le sien vers sa poitrine, mais la garde de l'autre resta impénétrable. Le duel devenait plus long que Gaston ne l'aurait souhaité. Il parait une suite de nouvelles attaques peu dangereuses, quand l'hospitalier coupa sa pointe et, par un mouvement
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