Le Secret de l'enclos du Temple
carrosse. Ses archers recherchent votre voiture. Comme il doit y avoir noce demain, je voulais vous prévenir.
Le curé de Thorigny devait en effet célébrer le mariage.
— Tout est annulé, lui dit Guy. Prévenez le prêtre qu'il y a eu un contretemps.
Le laboureur partit et Guy revint, soucieux. Mme de Miramion et sa suivante avaient finalement accepté de manger des œufs pendant qu'on attelait les chevaux. Il glissa la nouvelle à l'oreille de son frère et proposa qu'ils vident rapidement les lieux.
Les œufs avalés, le comte proposa à Mme de Miramion de partir. Il donna cent pistoles à la demoiselle pour la dépense de sa maîtresse et demanda à trois de ses amis d'escorter la voiture jusqu'à une hostellerie à l'entrée de Sens. Lui-même et le reste de leur troupe quitteraient Launay après eux. Ils convinrent de se retrouver dans une auberge qu'ils connaissaient.
À quelque distance de la ville, l'escorte laissa Mme de Miramion et sa suivante gagner à pied l'hôtellerie où elles arrivèrent épuisées. L'hôtelier prévint aussitôt le lieutenant criminel de Sens.
*
À Saint-Cloud, un paysan avait parlé à d'Artagnan d'un carrosse à six chevaux qui roulait à un train d'enfer. La voiture avait une heure d'avance. Il l'avait prise en chasse.
Il découvrit la belle-mère et l'écuyer sur la route traversant la forêt de Livry. Un de ses hommes se rendit au premier village chercher une charrette pour les transporter tandis que l'ancien mousquetaire poursuivait son chemin avec ses compagnons. Dans le carrosse, la belle-mère avait surpris un échange entre les ravisseurs et entendu les mots : Launay et Sens. Elle l'avait confié à d'Artagnan qui savait ainsi où l'on conduisait la jeune veuve.
C'est à l'entrée de Sens, alors qu'il se renseignait dans une hôtellerie, qu'il découvrit Mme de Miramion. Sur ses indications, il se rendit à la commanderie mais, à part deux domestiques, elle était vide. Ce n'était pas pour lui déplaire tant une bataille pouvait mal tourner. Après tout, il avait retrouvé Mme de Miramion et cela lui suffisait. Pour tout le monde, il passerait pour son sauveur.
Dès le lendemain, longuement raconté par d'Artagnan, l'enlèvement de Mme de Miramion fit le tour de la capitale. Pourtant, à peine rentrée chez elle, la jeune veuve avait exigé qu'on ne révélât rien de cette humiliante aventure. Mais avec les rumeurs qui circulaient, son frère et sa belle-mère lui assurèrent qu'il y allait de son honneur de poursuivre. Une plainte fut déposée auprès de la Tournelle 124 .
De son côté, dès que l'abbé Basile Fouquet sut que Baatz n'avait pas rencontré Bussy, il s'arrangea pour l'aborder au Palais-Royal et l'interroger. Tout en lissant sa moustache en croc avec une évidente suffisance, d'Artagnan expliqua qu'il avait libéré lui-même Mme de Miramion et que Bussy s'était lâchement enfui à son approche. Il ne fit aucune allusion au père Clément.
Que s'était-il passé ? Décontenancé, l'abbé se rendit au couvent de la Merci où il apprit du prieur que le père Clément avait été découvert sur les fortifications du Temple, le crâne fendu en deux. La police enquêtait.
C'était un incompréhensible mystère !
Pourtant, en y réfléchissant, l'abbé songea que ce crime devait être l'œuvre de M. de Bussy, ou de l'un de ses amis, ayant découvert l'espionnage de Clément ; à moins que le moine n'ait subi une vengeance liée à l'une de ses louches activités. C'était finalement de peu d'importance, car même si l'équipée de d'Artagnan avait échoué, il n'en restait pas moins que Bussy avait enlevé une femme de qualité, et se voyait désormais passible d'un châtiment sévère. Basile se jura de faire le nécessaire pour qu'il soit lourdement condamné, au moins aux galères perpétuelles, ce qui l'éloignerait définitivement de sa maison du Temple.
Dès le lendemain, il entreprit Zongo Ondedei – au plus près de Mazarin – en lui rappelant son exigence que cessent ces rapts ne laissant à de pauvres femmes que le seul choix entre déshonneur et mariage forcé. Il y en avait eu près d'une dizaine depuis le début de l'année ! rappela-t-il avec tristesse. Pour l'exemple, une peine exemplaire devait être prononcée contre le comte de Bussy. D'ailleurs, précisa-t-il, le code Michaud de 1629 détaillant les peines infamantes prévoyait expressément la mort pour crime de rapt. Ondedei l'approuva et en parla au
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