Le Secret de l'enclos du Temple
avaient fait leurs études ensemble à l'école de chirurgie de Saint-Cosme.
— Reconnaissez-vous le prêtre qui vous confessait ? Celui qui vous a fait croire que vous étiez envoûtée ?
— Non, celui-là possédait une barbe noire, monsieur, répondit-elle, sottement.
— Mais sa voix ? Essayez de vous en souvenir… insista-t-il.
— Le moine avait une voix rauque, monsieur, mais derrière la grille des confessionnaux, toutes les voix paraissent identiques.
Il revint à la charge :
— Quand il vous a conduite aux moulins, il vous a bien parlé…
— Oui, monsieur, mais sourdement ; son capuchon descendait très bas. Et quand il a prononcé les incantations, c'était incompréhensible. J'avais si peur, je ne me souviens pas bien…
Elle se mura dans le silence un moment, comme plongée dans ses souvenirs, puis dit :
— Le père Clément avait lui aussi une voix rauque. Et ils ont tous deux la même taille.
— Je suis certain que c'était lui ! s'agaça Gaston. Il a été tué alors qu'il avait convaincu une femme d'être ensorcelée et proposé de la désenvoûter sur la butte aux moulins.
— Qui l'a tué ?
— Un ami de cette femme, mais ce n'est pas important. Allons-nous-en.
Il la prit par l'épaule. Dans le greffe, il ajouta le nom du moine sur le registre et demanda que quelqu'un du couvent de la Merci vienne le chercher. Il ajouta au greffier qu'il écrirait un mémoire au lieutenant civil.
Après avoir laissé Mme Dufresne chez elle, il se rendit au couvent et demanda à voir le prieur auquel il dit à peu près la vérité : le père Clément était impliqué dans des affaires frauduleuses, et on venait de l'assassiner.
— Pour la bonne réputation de votre ordre, il vaut mieux ne pas en parler, conseilla Gaston au prieur. Allez chercher le corps au Châtelet, et faites-le inhumer dans la discrétion. Je vous tiendrai informé de la suite de l'enquête.
Le prieur devait avoir des doutes sur le défunt car il ne posa aucune question et accepta de conduire Gaston dans la cellule du moine où il le laissa seul.
Il s'agissait d'une minuscule pièce chaulée de blanc avec un lit de planches et un tabouret pour unique meuble. Sur un mur était accrochée une croix de bois. Sur le tabouret se trouvait un reste de bougie de suif.
Gaston comprit pourquoi le prieur n'était pas resté avec lui. Il n'y avait rien à découvrir.
Sur le lit était posée une paillasse de crin où couraient des poux. Il la souleva ; rien au-dessous. Toutefois, en la retournant, il aperçut une grossière piqûre, sans doute la réparation d'un accroc. Intrigué, il sortit son épée, découpa la toile et fouilla le crin. À l'intérieur se dissimulait un petit sac avec une centaine de livres en écus d'argent et en écus au soleil.
Il l'empocha et sortit.
*
Avant de rentrer rue de la Verrerie, il passa rue des Blancs-Manteaux. Et y trouva Marie seule, car Bauer était allé manger à la Grande Nonnain qui Ferre l'Oie , l'auberge d'à côté. Il sortit le sac d'écus et le lui donna :
— C'était dans la paillasse du père Clément. Sans doute le fruit de ses filouteries et débauches. Vous êtes la mieux placée pour en bénéficier. Vous pourrez au moins vous acheter une robe et quelques rubans. À l'avenir, ne croyez pas tout ce qu'on vous ordonne à la confession, plaisanta-t-il.
Elle le remercia les yeux humides de larmes.
Une fois de retour chez lui, il écrivit un mémoire à Dreux d'Aubray. Où il expliqua avoir interrogé plusieurs personnes et que ses questions avaient dû alerter quelqu'un, car un gamin était venu lui révéler qu'un moine pourrissait sur la butte aux Moulins. Il s'y était rendu, avait trouvé le cadavre et l'avait fait transporter à la morgue. Mme Dufresne l'avait reconnu. Ce moine s'appelait le père Clément et il est probable qu'il n'en était pas à sa première victime. Le prieur de la Merci ferait enterrer le corps. À ses yeux, l'affaire était close.
Gaston connaissait suffisamment Dreux d'Aubray pour savoir qu'un tel mémoire le satisferait. Le lieutenant civil n'avait rien à gagner à demander au commissaire d'enquêter plus. Surtout avec l'agitation qui régnait en ville.
Gaston écrivit ensuite une lettre à Louis qu'il fit porter par François, rue des Blancs-Manteaux. Bauer la délivrerait à son seigneur en rentrant à Mercy.
Quatrième partie
Août-octobre 1648
Un vent de Fronde gronde contre Mazarin
31
T oute la soirée,
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