Le Secret de l'enclos du Temple
prévenu que M. de Bussy allait l'enlever, il avait tenté d'empêcher le rapt mais le prêtre n'était jamais venu lui donner les détails du voyage au Mont-Valérien. Sinon, gronda l'ancien mousquetaire en lissant sa moustache, il aurait haché menu ce foutriquet de de Bussy ! À une autre question de Gaston, Baatz reconnut que l'abbé Basile savait qu'il souhaitait épouser Mme de Miramion.
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Au sortir de cet entretien, M. de Tilly y voyait assez clair. L'entreprise s'avérait une manigance de l'abbé visant à compromettre le comte de Bussy et à le faire tuer par d'Artagnan. Mais dans quel but ?
Il y a mille cinq cents ans, Caïus Cassius Longinus 143 se posait la question cui bono fuisset 144 ? quand il cherchait à élucider un crime. Gaston appliquait lui aussi ce précepte, mais il ne comprenait pas le motif ayant poussé le prêtre à élaborer pareille manigance. Peut-être voulait-il se venger du vol d'une maîtresse, les deux hommes étant réputés pour leur galanterie. Mais peut-être aussi agissait-il pour son maître, Mazarin. Le cardinal cherchait-il à punir Condé à travers Bussy ? C'était tout autant possible.
D'autre part, quel rapport existait-il entre Maffécourt, Bussy et les deux valets de chambre criminels du palais d'Orléans ?
Le 8 septembre, le comte de Brienne enleva Mlle de Choiseul. Ce rapt, qui n'était qu'une comédie, fut suivi d'un mariage en présence d'une foule d'amis. Pourtant Mazarin fit savoir au prévôt de l'Hôtel qu'il exigeait désormais la plus grande sévérité pour que cessent ces enlèvements et lui resignifia que M. de Bussy devait être poursuivi. Ce rappel pouvait indiquer que le cardinal était l'instigateur de toute l'affaire. Gaston commença la rédaction d'un mémoire mais s'il disposait d'éléments permettant d'innocenter Rabutin, il s'agissait encore de présomptions et de témoignages indirects. Même si Leboccage reconnaissait l'abbé Basile, ce serait insuffisant puisque le père Clément était mort.
M. de Tilly décida finalement de partir pour Mercy avec Armande afin de parler de ses embarras à Louis, qui y verrait certainement plus clair. Le départ fut fixé au 14 septembre.
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Après les excès de violence de la fin août, la confiance ne revenait pas entre la Cour et le Parlement. La reine brûlait de venger l'affront fait au trône et l'humiliation qu'elle avait ressentie en libérant Broussel. Les parlementaires, eux, étaient de plus en plus divisés entre ceux qui voyaient se profiler une guerre civile, dont ils savaient qu'ils ne sortiraient pas vainqueurs, et ceux qui, s'appuyant sur le peuple et le coadjuteur, pensaient parvenir à fléchir la Couronne. Lesquels étaient les plus nombreux, ayant fait la preuve de leur force. Après tout, péroraient-ils, dans le passé bien des rois avaient été contraints par le peuple, et les Anglais venaient de démontrer que la royauté, même de droit divin, ne se révélait pas invincible.
Dès le 1 er septembre, chaque parti s'était en somme attelé à ne pas respecter l'accord signé. Le Parlement s'était engagé à discuter seulement l'édit du Tarif, mais ne le fit pas et exigea le paiement des rentes et la remise du quart des tailles. La reine, elle, fit arrêter M. de Chavigny, le gouverneur du château de Vincennes qu'elle jugeait favorable aux parlementaires.
Le 13 septembre, la cour quitta Paris sous prétexte de faire nettoyer le Palais-Royal souillé durant les émeutes. La veille du départ, Séguier demanda à Gaston de l'accompagner, la présence du procureur de l'Hôtel du roi auprès d'Anne d'Autriche étant nécessaire. Gaston ne fut pourtant pas dupe : en réalité, le chancelier désirait le savoir près de lui, car il était l'un des rares hommes auquel il accordait sa confiance.
Hors de Paris, la cour s'installait à Saint-Germain où les deux châteaux et la petite cité permettaient de loger tout le monde. Mais le château de Saint-Germain étant occupé par la reine d'Angleterre, alors réfugiée en France, la duchesse d'Aiguillon avait proposé son domaine de Rueil pour recevoir la famille royale. Son château étant hélas trop petit, impossible pour Gaston d'emmener Armande avec lui. Elle resta donc à Paris.
Où l'annonce du départ du roi provoqua la consternation et l'inquiétude. Beaucoup craignaient les prémisses d'une guerre ouverte entre la cour et le parlement, craintes confirmées quand le prince de Condé rejoignit Rueil
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