Le Secret de l'enclos du Temple
avec son état-major, dont le comte de Bussy.
Pour Gaston, les premières journées à Rueil furent mortellement ennuyeuses. De par sa position, il n'était point mêlé aux décisions et n'avait rien à faire sinon à lire les lettres qu'Armande lui envoyait et auxquelles il répondait aussitôt.
Il rencontra pourtant le secrétaire d'État à la maison du roi, M. de Guénégaud, pour lui résumer l'affaire du faux hospitalier. À cette occasion, il insista sur le rôle de M. de Bussy, qui lui avait sauvé la vie, mais cela n'eut aucun effet sur le ministre. Ce dernier lui rappelant vertueusement l'interdiction des duels, ainsi que le crime du comte, ravisseur par la violence d'une femme de qualité !
Le village n'avait qu'une auberge, Gaston y croisait souvent l'abbé Basile Fouquet et rageait de ne disposer d'aucun moyen pour percer les secrets de cet espion. Le soir, il soupait avec Charles de Baatz ou avec le comte de Bussy, en veillant bien sûr à ce que les deux hommes ne se croisent jamais.
Comme Gaston le lui avait conseillé, M. de Bussy-Rabutin était parti à Launay après l'échec de l'enlèvement. Sur place, il avait recruté des officiers pour son régiment, rejoint à Calais aux premiers jours de septembre. Là-bas, le comte avait retrouvé Condé, blessé d'une mousquetade aux reins, et appris que le Prince, autant pour se soigner qu'afin de peser dans les événements, venait de décider de rejoindre la Cour. Condé n'oubliait jamais que si Monsieur et les deux enfants d'Anne d'Autriche disparaissaient – justement, le cadet avait la petite vérole –, il serait roi de France.
À Rueil, Bussy avait aussi vu M. de Champlâtreux, nommé depuis peu intendant en Picardie. Le fils de Mathieu Molé, proche de Condé, avait commencé à accommoder l'affaire de l'enlèvement avec les parents de Mme de Miramion. Ceux-ci avaient exigé des dédommagements. Mais comme le frère de Mme de Miramion venait de prendre le parti du Parlement, on avait suspendu les tractations. Au bout de quelques jours, le comte demanda son congé et gagna Paris. Il se rendit au Temple saluer son oncle, porta des nouvelles de Gaston à Armande, et, enfin, partit pour la Bourgogne.
Avec l'arrivée du prince de Condé, la Cour se sentit soudain en position de force. D'autant que les troupes de mercenaires allemands approchaient de Paris à marche forcée. En face, les parlementaires s'inquiétaient. Les quelques négociateurs envoyés étant mal reçus, ils chargèrent le coadjuteur de prendre langue avec la reine. À cette occasion, Gondi tenta de convaincre le Prince de rejoindre son parti, mais n'y parvint pas.
Le 22 septembre, une délégation de parlementaires vint à Rueil supplier Anne d'Autriche de ramener le roi à Paris, et les princes, ducs et pairs de venir à la Grand-Chambre délibérer sur les affaires de l'État. La reine répondit ironiquement être étonnée d'une telle demande, ajoutant que, tous les ans, le petit roi avait l'habitude de prendre l'air en cette saison, donc que sa santé lui était plus chère qu'une vaine frayeur du peuple. Un peu plus tard, le conseil royal cassa toutes les décisions prises par la Chambre de Saint-Louis et lui interdit une nouvelle fois de délibérer.
On apprit le lendemain que le prince de Condé avait fait vider son hôtel parisien de ses meubles, que plusieurs grands avaient agi de même, et que le duc d'Anjou, frère du roi, bien que malade, avait lui aussi pris soin de quitter la capitale.
En représailles, les magistrats ressortirent un arrêt donné en 1617 contre le maréchal d'Ancre par lequel il était défendu aux étrangers de s'immiscer dans le gouvernement du royaume. Mazarin se voyait pour la première fois explicitement visé. Persuadé que les gens de guerre qui s'installaient autour de Paris allaient en faire le siège, le Parlement ordonna en outre au prévôt des marchands d'organiser la sûreté de la ville et de la mettre en défense.
À la vérité, les positions de chaque parti n'étaient pas si solides. La Cour ne disposait pas d'assez d'argent pour payer ses soldats et les parlementaires craignaient pour leur vie et leurs biens. Aussi, lorsque le duc d'Orléans, en accord avec Condé, proposa une conférence entre les princes et des députés choisis par le Parlement pour essayer de remédier aux nécessités de l'État , les parlementaires modérés acceptèrent-ils avec soulagement.
Il fut alors décidé que la reine d'Angleterre
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