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Le secret des enfants rouges

Le secret des enfants rouges

Titel: Le secret des enfants rouges Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Claude Izner
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présenté, le puzzle demeurait incomplet, d’autant que la signification de l’élément essentiel, la coupe, restait voilée aussi bien pour lui que pour la police. Une seule personne détenait peut-être les pièces manquantes : Gabrielle du Houssoye. Il devait aller la voir. Au prix de contorsions douloureuses, il réussit à se redresser, et rejetait la couverture en pivotant de côté lorsque la porte s’ouvrit doucement.
    — Je m’en doutais ! À peine ce policier parti tu étais prêt à filer, malgré l’interdiction formelle du Dr Reynaud ! s’écria Tasha.
    Il se laissa de nouveau aller contre les oreillers.
    — Que vas-tu imaginer ? J’éprouvais juste le besoin de bouger, je m’ankylose.
    Elle rajusta la couverture, sa main esquissa un geste vers sa joue. Désemparée, elle balançait entre tendresse et colère.
    — Tu aurais pu être tué ! Pourquoi te comportes-tu avec une telle inconséquence ? Te suis-je devenue indifférente, que tu ailles au-devant du danger sans te soucier de mon désespoir s’il t’arrivait malheur ?
    Jamais elle ne s’était adressée à lui d’une voix si altérée. Il refoula l’émotion suscitée par ces questions, et répondit avec autant de réserve qu’il en était capable :
    — Il me semble que tu te leurres sur toi-même. En réalité je ne t’importe pas à ce point. Si je mourais, tu te consolerais assez vite. Je vais sans doute te décevoir mais… J’ai lu ceci.
    Il parlait posément, les yeux fixés sur une feuille pliée en quatre qu’il tenait entre les doigts.
    « Mon Dieu ! La lettre ! »
    Elle eut peur, qu’avait-il imaginé ?
    — Victor, tu deviens fou, murmura-t-elle.
    — Non ma chérie, juste lucide. Tu fréquentes beaucoup d’artistes, certains ont joué un rôle au cours de ta vie, il est naturel que tu n’aies pu briser des liens… Hans, par exemple.
    — Hans ? Qu’a-t-il à voir avec nous ?
    — Encore une fois, tu es libre d’agir à ta guise, j’ai changé, et même si cela m’est dur à admettre, je suis conscient de n’avoir aucun droit de… Tasha, ça va ?
    À mesure qu’il s’exprimait en pesant chacun de ses mots, elle avait souri, puis s’était mise à rire. Mais ce rire s’apparentait à un sanglot.
    — Tu as changé ? C’est une plaisanterie ! s’exclama-t-elle entre deux hoquets. Tu es jaloux à t’en rendre malade ! Au début j’étais fière de t’inspirer cette inquiétude incessante, je me disais : c’est la preuve qu’il m’aime. Maintenant, après presque deux ans de vie commune…
    — Parallèle, rectifia-t-il.
    — C’est pareil ! Que tu continues à ne pas avoir confiance en moi me désole.
    — Moi, c’est cette lettre qui me désole.
    Elle s’approcha, tira de sous le châle qui recouvrait ses épaules un carnet de cuir usagé d’où elle sortit une photo qu’elle lui montra. Un homme brun d’une cinquantaine d’années, svelte, le regard profond, la moustache effilée, coiffé d’un melon, fixait l’objectif. Elle retourna la photo, Victor déchiffra quelques lignes tracées au crayon.
    Tsu dir, mayn zis-lebn, tsit dokh mayn harts 48  !
    Je t’envoie de Berlin mon portrait en costume de bourgeois, je te donnerai bientôt des nouvelles plus détaillées.
    Ton père qui t’aime, Pinkus.
    Victor avala sa salive. Il avait reconnu l’écriture de la lettre.
    — C’est vrai, je t’ai menti, reprit Tasha en rangeant photo et carnet, il n’y a pas eu d’expo à Barbizon. Mon père m’avait fait promettre de ne signaler sa venue à quiconque, pas même à toi. Il est recherché par la police tsariste et se méfie de tous.
    — Tasha, je suis navré, pardonne ma stupidité, j’ai manqué de confiance.
    Elle haussa les épaules et se mordilla un instant l’ongle du pouce avant de décréter :
    — C’est en ton propre esprit que tu manques de confiance. Il faut arrêter de vivre dans la crainte de me perdre, sinon tu te perdras toi-même.
    — Ma chérie, je t’en fais le serment solennel, c’est terminé, désormais je… commença-t-il en lui tendant les bras.
    D’un signe, elle lui imposa le silence.
    — Attends. C’est maintenant que ta foi en moi va réellement être mise à l’épreuve. Victor, je vais partir.
    — Tasha ! Non ! cria-t-il.
    — Ma mère Djina est à Berlin. Elle est malade. Jusqu’à présent elle vivait chez ma tante Hannah, mais la pauvre femme vient de mourir. Ma sœur Ruhléa est mariée à

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