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Le secret des enfants rouges

Le secret des enfants rouges

Titel: Le secret des enfants rouges Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Claude Izner
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se trouve bien dans l’immeuble mitoyen, n’est-ce pas ? Et cet immeuble est sous la vigilance d’un concierge ?
    — Une veuve, Mme Ballu.
    — Allons de ce pas converser avec Mme Ballu. On affirme que les concierges sont une source intarissable d’informations.
    — C’est la vérité vraie, attesta Euphrosine, celle-là pourrait tenir la chronique des chiens écrasés.
     
    Son lessivage des marches achevé, Mme Ballu concentrait son énergie sur la rampe qu’elle enduisait d’encaustique.
    « Quand on pense au peu de temps que les gens passent dans les escayers et aux efforts que ça me coûte…» était-elle en train de ruminer lorsqu’elle aperçut, à l’orée du porche, un attroupement insolite.
    — Y a eu un fric-frac chez M. Legris ! Beugla Euphrosine. Y a là un inspecteur qui voudrait vous interroger.
    Ravie de cette pause imprévue, Mme Ballu commença par certifier n’avoir vu ni entendu miette, puis, ménageant son effet, poursuivit, arc-boutée à son balai :
    — Encore que… La petite dame très « Kremlin »…
    — La dame très quoi ? demanda Raoul Pérot.
    — Ben oui, c’est comme ça qu’on qualifie la mode à la russe. Drôlement chic, d’ailleurs, ces blouses moscovites serrées d’une ceinture Néva, et les tissus turcs, et les crépons rayés… Chaque fois que j’feuillette La Mode illustrée j’me crois sur un marché persan…
    — Ouais, cause toujours mon lapin, on devrait les enfiler à la mi-carême, ces déguisements-là, c’est pas catholique, rétorqua Euphrosine.
    — Donc, cette petite dame très « Kremlin » ?
    — C’était hier, c’est l’jour des choux aux lardons, bref elle voulait savoir si le logement de M. Mori était à louer, rapport aux volets clos. Elle allait livrer un chapeau chez les Primolin, ils perchent au quatrième. Elle est redescendue aussi sec, j’l’ai vue derrière mon rideau. D’un coup ça m’est revenu : les Primolin, ils séjournent chez leurs cousins de Ville-d’Avray. Ça m’était sorti d’la tête, sinon j’vous fiche mon billet qu’elle s’rait allée voir chez les Moldo-Valaques si j’y suis. Parce qu’on a reçu des consignes de la police, nous autres, les concierges. Ceux qui font péter d’la dynamite, leurs intentions n’sont pas imprimées sur leur bobine, alors on s’méfie, on fait barrage.
    — À quoi ressemblait-elle ?
    — Si vous croyez que j’m’en souviens, à part son manteau ruskof… Elle portait une voilette.
    Le visage de Joseph prit une teinte d’aubergine trop mûre. Une idée martelait son esprit : la femme qui avait loué un billet de parterre, samedi soir, il n’aurait su dire si son manteau était de coupe ruskof ou austro-hongroise, mais une chose était sûre, elle portait une voilette.
    L’inspecteur Pérot remercia Mme Ballu.
    — Établissez un inventaire détaillé des articles manquants, avec leur description, et déposez-le au poste. Si vous pouviez tracer des croquis, ce serait utile à l’enquête… Euh, l’un de vous envisagerait-il d’héberger une tortue orpheline ?
     
    Préoccupé, Victor prévint Joseph qu’il fermait la librairie jusqu’au lendemain.
    — Vous avez quartier libre.
    — Ne serait-il pas judicieux de contrôler qu’on ne nous a rien carotté ?
    Désolé, Jojo tâchait à tout prix de sauver du naufrage la joie qui l’emplissait à la perspective de retrouver Iris.
    — Vous savez, patron, j’ai dit avoir l’œil américain, seulement on a ses faiblesses, vaudrait mieux vérifier. Victor réprima un sourire, il n’était pas dupe.
    — Allez-y, je monte.
    Joseph tira la grande échelle devant les rayonnages de livres. Le génie des commis lui accordait protection, il aurait la béatitude d’entrevoir sa dulcinée.
    — Et mon dîner ?
    — Il est préférable de remettre votre festin de Balthazar à une heure plus propice, madame Pignot, ils se contenteront d’un en-cas.
    — Qu’est-ce que je vais bien pouvoir faire de toute cette boustifaille ? Si c’est pas lamentable, pendant le siège de Paris on la sautait, maintenant on dilapide !
     
    Victor et Kenji, à quatre pattes, regroupaient les
    livres éparpillés à travers le bureau lorsque Iris passa le buste par l’embrasure de la porte.
    — C’est mon premier cambriolage, que c’est excitant ! s’exclama-t-elle en contemplant l’appartement dévasté de son père.
    Beaucoup moins enthousiaste, Kenji collectait les gardes de

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