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Le secret des enfants rouges

Le secret des enfants rouges

Titel: Le secret des enfants rouges Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Claude Izner
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HOMME DÉCHIQUETÉ PAR UN TRAIN
    « Hier, un cheminot qui inspectait les voies de la gare des marchandises d’Orléans a fait une macabre découverte. En contrebas de l’usine à gaz de la rue…»
    — Comment êtes-vous certain qu’il s’agit de Diélette ?
    — Le nom de la rue, patron, c’est à deux pas de la
    cité Doré, et puis il y a la prédiction de Coralie Blinde. … Je vois un train… son gros œil rouge fonce… je vois un homme qui survole les rails. J’ai cru que ça touchait à mon avenir, que j’allais faire un voyage, seulement quand je l’ai quittée tout à l’heure, elle m’a crié : Un voyage, un de ceux dont nul ne revient ! Elle semblait effrayée, j’vous jure, patron, j’suis sûr qu’elle a vu quelque chose. C’est pas un accident parce que la baraque du chiffonnier a été fouillée de fond en comble, et je n’ai pas trouvé la coupe.
    — Surtout motus et bouche cousue. Cachez-moi ce journal.
    — Qu’est-ce que vous allez faire de la gamine, patron ?
    — Elle va rester ici deux ou trois jours, ensuite il faudra lui annoncer la triste nouvelle, et prendre des mesures… Quelle pitié !
    — D’autant que notre enquête se termine en queue de poisson.
    — Je sais où est la coupe.
    — Sans blague ?
    — Ai-je l’air de plaisanter ? La gamine l’a vendue.
    — A qui ?
    — Au marchand chez lequel je me rends incontinent. Bonsoir, Joseph.
     
    La rue Mouffetard déroulait en pente raide son pavage inégal et poisseux où la bruine reflétait la lueur des réverbères. Ignorant à quelle hauteur se situait le 127, Victor était arrivé par le Panthéon et devait marcher jusqu’au bas de la coulée sombre bordée de maisons décrépies. Une fille sortit de l’une d’elles et s’arrêta près du brasero d’une marchande de frites en plein vent qui débitait ses cornets graisseux aux clients des mastroquets. Penchées les unes vers les autres, les façades festonnées de lessives se confiaient leurs secrets.
    Face à l’église Saint-Médard blottie contre un square, la masure portant le numéro 127 s’accotait aux bureaux du journal La Révolte . L’étage abritait un garni, un limonadier occupait le rez-de-chaussée. Dans l’étroite salle enfumée, étudiants, filles légèrement vêtues, ouvriers et souteneurs fraternisaient le long du zinc hérissé de bouteilles et de chopes qui teintaient la pénombre de leurs reflets ambrés. C’était l’heure où la fée verte 33 effaçait les détresses en distillant son venin dans le sang de ses fidèles. Bientôt, les pochards et les matous en rut moduleraient leurs vocalises.
    Impavide, le patron astiquait ses verres en ajoutant régulièrement un domino à ceux alignés sur le comptoir. Lorsque Victor s’enquit de Clovis Martel, il se contenta de hausser les sourcils sans interrompre la partie qu’il disputait avec lui-même.
    — On m’a affirmé qu’il logeait ici, insista Victor. Cette fois il récolta un grognement.
    — Te fatigue pas, il a dévissé. Tu veux explorer le sous-sol ? J’te montrerai la pierre philosophale, lui susurra une femme à la camisole largement échancrée sur des appas déclinants.
    Ses lèvres trop rouges, ses joues plâtrées, lui composaient un masque de poupée offensée par le temps. Elle le dominait d’une tête.
    — Où est-il ?
    — Toi, on peut dire que t’es bouché. Il est parti à la cloche de bois, le Clovis.
    — Décanille, la Tour-Eiffel, tu causes trop. mâchonna le patron.
    — Ferme ton clapet, Lulu, j’ dérange personne, et si monsieur passe la sorgue 34 dans mon nid d’amour, c’est toi qui palperas les ronds, j’ai raison ? Tu maronnes. hein ? Ton Clovis il s’est esbigné sans casquer.
    — Ouais, ben il perd rien pour attendre, je sais où l’épingler.
    — Où ? demanda Victor.
    — Pourquoi je vous renseignerais ? On a rien gardé ensemble.
    Victor se pencha par-dessus le comptoir.
    — Parce que je vous en prie gentiment. Je suis au beau fixe mais gaffe aux coups de tabac.
    — Vous fâchez pas, il déballe le samedi matin au marché Saint-Médard, vers le numéro 10. Vous boirez bien un petit godet ? C’est ma tournée.
    — Non merci, je suis au régime.
    — Alors vrai, y a pas mèche ? Dommage, j’t’aurais soumis l’jeu complet, de A à Z sans omettre le Q, murmura la Tour-Eiffel.
    — Ne vous fatiguez pas, madame, je connais l’alphabet, lança Victor en sortant.
    La bruine le fit

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