Le Signe rouge des braves (Un épisode durant la guerre de Sécession)
finement travaillé de la selle et de la bride jetait des éclats d’or. Sur un si splendide destrier, l’homme tranquillement assis sur la selle paraissait terne.
Un groupe de cavaliers galopait ici et là avec des tintements sonores. Par moment le général était entouré de cavaliers, et d’autres fois il était tout à fait seul. Il paraissait très sollicité, comme un homme d’affaires dans un marché instable.
L’adolescent tourna discrètement autour de l’endroit. Il n’osa s’approcher de trop près pour écouter ce qui se disait. Peut-être que le général, incapable de comprendre la situation chaotique, allait-il faire appel à lui pour s’informer. Ce qu’il pouvait faire : il savait tout ce qui se passait. Certainement que les troupes au combat étaient dans une position très difficile ; et n’importe quel imbécile pouvait voir que s’ils ne battaient pas en retraite pendant qu’il en était encore temps… hé bien…
Il ressentait le désir de se jeter sur le général, ou du moins s’en approcher pour dire crûment ce qu’il pensait exactement de lui. C’était criminel de rester calmement dans cet endroit sans rien faire pour arrêter le massacre. Il déambula dans une impatience fiévreuse, s’attendant à ce que le commandant de la division fasse appel à lui.
Alors qu’il tournait en rond avec prudence, il entendit le général irrité qui appelait : « Tompkins, file voir Taylor, et dit lui de pas tant se presser, dit lui de stationner sa brigade à la lisière du bois, et de détacher un régiment… Je pense que le centre va céder si on ne le soutient pas un peu, dit lui de faire vite. »
Un jeune homme svelte sur un élégant cheval alezan, saisit ces brèves paroles de la bouche de son supérieur. Dans sa hâte de remplir sa mission, il fit bondir son cheval du pas au galop dans un nuage de poussière.
Un moment plus tard, l’adolescent vit le général se redresser brusquement sur sa selle : « Oui, par le ciel, ils ont réussi ! » L’officier se pencha en avant, son visage enflammé par l’excitation. « Oui par le ciel, ils les ont stoppés ! Ils les ont stoppés ! »
Il se mit à rugir avec vivacité à son équipe : « Nous allons les battre maintenant. Nous allons les battre maintenant. On les aura c’est certain ». Il se tourna brusquement vers un aide de camp : « Hé là… toi Jones… vite… cavale derrière Tompkins… va voir Taylor… dit lui de foncer dedans… sans jamais reculer… comme les flammes… n’importe comment ».
Tandis que l’autre officier galopait derrière le premier messager, le général rayonnait comme un soleil. Dans son regard il y avait le désir de chanter un hymne triomphal. Il répétait sans arrêt : « Ils les ont arrêtés par le ciel ! »
Son excitation fit ruer son cheval, et joyeusement il le talonna en jurant contre lui. Le général fit une petite fête à dao de cheval.
CHAPITRE SEPTIÈME
L’adolescent se sentit honteux comme un criminel découvert. Par le ciel, ils ont gagné après tout ! La ligne d’imbéciles a tenu, et remporté la victoire. Il pouvait entendre les hourras.
Il se leva sur la pointe des pieds et regarda en direction de la bataille. Un brouillard de fumée jaunâtre stationnait au dessus des arbres, et sous cette masse on entendait les éclats secs de la mousqueterie. Des cris rauques exprimaient l’avancée des troupes.
Perplexe et irrité, l’adolescent fit demi-tour. Il sentait qu’on l’avait trompé.
Il avait fui, se disait-il, car l’anéantissement était proche. Il avait bien fait de sauver se vie puisqu’il était une part de l’armée. Il avait cru, se dit-il, le moment venu où il était du devoir de chacune de ces parcelles de se sauver si possible. Après les officiers remettront ces pièces ensemble pour reconstituer un front de bataille. Si aucune de ces parcelles n’est assez avisée en pareil moment pour se sauver de la ruée mortelle, hé bien qu’en serait-il de l’armée alors ? Il était tout à fait clair qu’il avait agi en accord avec les recommandations les plus justes. Son action fût sagace et pleine d’un sens inné de la stratégie ; on ne pouvait qu’admirer l’œuvre de ses jambes. Il pensa à ses camarades. La ligne fragile des bleus avait tenu bon sous les assauts répétés, et gagné. Il en devenait amer. Apparemment il avait été trahi par l’ignorance aveugle et la stupidité de ceux qui
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