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Le soleil d'Austerlitz

Le soleil d'Austerlitz

Titel: Le soleil d'Austerlitz Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Max Gallo
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contrôler.
    L’eau apaise aussi ces brûlures et ces démangeaisons qui l’irritent souvent dans la journée. Il suffit parfois de l’une de ces correspondances de l’étranger, qui montre l’entêtement de Pitt et des Autrichiens, ou bien d’un courrier du général Moreau, qui regrette, au nom de la prudence, le plan d’attaque par la Suisse, afin de tourner les Autrichiens, et qui prévoit de franchir le Rhin, frontalement. Mais il ne faut pas, pas encore, critiquer ou briser Moreau. Sa réputation est trop établie. Il est en relation avec trop d’officiers. La prudence, avec ceux qui disposent du pouvoir sur les hommes en armes, est de règle.
     
    À la fin de la matinée, après avoir lu les rapports de police, signé les réponses aux lettres, dicté des directives et des instructions, il est passé dans le cabinet topographique, réservé aux cartes. Il veut connaître le déplacement de toutes les armées, leur approvisionnement. Il faut que les espions anglais et autrichiens s’imaginent que l’armée de réserve que l’on constitue à Dijon n’est qu’un leurre destiné à leur faire croire que se constitue un corps de bataille. Il faut donc parler de l’armée de réserve avec emphase pour les conforter dans cette idée d’une action de propagande et cependant la constituer.
    De cela, il n’a rien dit aux deux autres consuls, ni au Conseil d’État, auquel il a rendu visite. Cambacérès, qui n’aime pas les Assemblées, a craint que le Conseil d’État ne prenne trop d’importance, ne soit le siège d’une opposition. Il ne connaît pas les hommes, décidément, même s’il les aime jeunes et bien faits ! Il est vrai que c’est leur corps plus que leur esprit, qui l’attire.
    Il suffit, pour domestiquer les hommes, de les gâter. L’expression est juste, n’est-il pas vrai ? « Je traiterai si bien ceux que je placerai au Conseil d’État qu’avant peu cette distinction deviendra l’objet de l’ambition de tous les hommes de talent qui désirent parvenir. »
    Il y a encore quelques bavards au Tribunat, des membres de cette Assemblée qui disent : « Dans ces lieux, si l’on osait parler d’une idole de quinze jours, nous rappellerions qu’on vit abattre une idole de quinze siècles », d’autres, comme ce Benjamin Constant, qui évoquent un « régime de servitude et de silence ».
    Napoléon sort du bain. Le souvenir de ces phrases vite étouffées sous les protestations et les excuses de leurs auteurs suffit à briser ce calme qui peu à peu s’était installé en lui.
    — Je vais couper les oreilles à ces avocats, dit-il à l’aide de camp devant lequel il rappelle ces propos.
    Il le retient. Ce ne sont pas là des façons d’agir.
    Il sort du bain. Son mamelouk, aidé de deux petits Abyssiniens, qui servent aussi à table, le sèche.
    Il va descendre chez Joséphine.
     
    Il faudrait lui parler d’argent, des dettes folles qu’elle accumule pour ses bijoux, ses parures, ses chapeaux, le mobilier, les bibelots.
    Il est vrai qu’elle sait recevoir. Il apprécie la Malmaison, cette demeure près de Rueil qu’elle a achetée, aménagée avec élégance. Il s’y rend du samedi midi au lundi midi. On y dîne le plus souvent à plus de vingt, et, quelquefois, il y a plus de cent invités. Mais Joséphine, il l’a appris par les rapports de police, par Bourrienne, par la rumeur, doit plus d’un million de francs, peut-être le double ! Il faut charger Bourrienne d’apurer les comptes. Avec six cent mille francs. Qu’il menace les créanciers qui ont dû exagérer toutes les factures. Mais, celles-ci payées, Joséphine recommencera, il en est sûr. Il faut de l’argent pour elle, pour assurer l’avenir. Que signifierait, d’ailleurs, être au pouvoir et manquer d’argent ? Le pouvoir, c’est aussi l’argent. Il y a les cinq cent mille francs de traitement de Premier consul. Les deux autres n’ont droit qu’à cent cinquante mille. Il y a les crédits de dépense de la « maison consulaire », de l’ordre de six cent mille francs.
    Quand un habit, veste et culotte, ne coûte que trente-deux francs, un cheval trois francs, et qu’une journée de travail est payée de un à deux francs, qu’un général de division touche quarante mille francs, cela peut sembler énorme, mais il ne peut y avoir d’égalité entre l’homme qui ordonne et celui qui obéit.
    Et serais-je le seul à ne pas disposer d’une fortune alors que tous se sont enrichis

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