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Le soleil d'Austerlitz

Le soleil d'Austerlitz

Titel: Le soleil d'Austerlitz Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Max Gallo
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la falaise de Biville où les chouans débarquent entre Dieppe et Le Tréport, tous les gîtes où ils se sont abrités, les complices qui les ont aidés.
    — Je veux tout. Les lieux, les hommes, toutes les branches de la conspiration. Tout.
    Réal a été l’homme de Fouché. Même si celui-ci n’est plus ministre, il reste un allié précieux. C’est lui qui, il y a peu, parlait aussi de « l’air plein de poignards ». Il faut s’appuyer sur Fouché.
    Je peux compter sur lui. Mais sur qui d’autre ?
    Murat, gouverneur militaire de Paris depuis le 15 janvier. Le général Savary, commandant de la gendarmerie d’élite.
    — Il faut qu’à chaque moment je sache, dit Napoléon à Réal. La chasse est ouverte. On a voulu faire de lui le gibier. On va savoir pour qui sonne l’hallali.
     
    C’est un mois de février glacial. Napoléon se lève encore plus tôt que de coutume et se rend aussitôt dans son cabinet de travail aux Tuileries.
    Le feu dans la cheminée ne cesse jamais.
    Il reste parfois de longues minutes immobile, les mains placées au-dessus des flammes, les yeux fixes.
    Les rapports de Réal s’entassent. Les messages de Savary se multiplient. Le général s’est rendu au lieudit la falaise de Biville. Ses gendarmes et lui se sont déguisés en paysans ou contrebandiers. La falaise est partagée par une faille qu’empruntent, à l’aide de cordes, les contrebandiers qui s’élèvent ainsi sur deux cents ou trois cents pieds. Le relief correspond point par point à ce qui a été décrit par Quérelle dans sa prison du Temple. On a arrêté un certain Troche, horloger à Eu, qui a assisté – et aidé – à trois débarquements. Il a servi de guide. Il ne connaît pas le nom des personnalités entrées en France, mais il s’agit de gens de qualité, et même de généraux. Il peut attester du débarquement de Cadoudal.
    Cadoudal est donc bien en France depuis des semaines, caché à Paris.
    Tout à coup la colère saisit Napoléon. Est-ce possible qu’on ne le trouve pas ?
    Il se souvient de cette rencontre ici, aux Tuileries, avec ce chouan au corps de taureau, au visage énorme. Il se souvient de la brutalité de l’homme, de sa haine.
    Il convoque Réal.
    Que sait-on de plus ? Il veut qu’on lui envoie des courriers à chaque arrestation, à chaque aveu.
    Il veut que Réal, chaque jour, lui apporte les résultats de l’enquête.
    Il se calme, reste seul.
     
    Réal, Murat et Savary ne voient qu’un aspect de cette guerre. Ce sont, comme sur un champ de bataille, de bons et fidèles exécutants. Mais lui, général en chef, imagine et pressent. Cette conspiration est à la mesure des enjeux du moment. Immenses. Donc, les ramifications doivent aller loin, profond. Parce qu’il s’agit, pour Londres, qui paie les conjurés et les transporte jusqu’en France, de gagner la guerre qui vient de commencer.
    En me tuant pour briser l’énergie du pays .
    Sur qui peut-elle compter ici ? Les vieux opposants, les généraux jaloux. Il pense à Moreau qui s’est retiré dans sa terre de Grosbois, dont les rapports des espions de police disent qu’il se moque des capucinades du Concordat, de la Légion d’honneur, du roi Premier consul. Il a, au cours d’un dîner, décoré son cuisinier de l’ordre de la Casserole. Sa femme est une créole d’une famille rivale de celle de Joséphine. Elle a refusé de porter le deuil après la mort du général Leclerc. Moreau, dont l’ambition et la jalousie recuisent depuis des années, est peut-être celui qu’à Londres on a choisi pour succéder au Premier consul.
    Moreau ! D’autres généraux sans doute, Pichegru, qui est en exil à Londres, Augereau, Bernadotte ? Ils doivent attendre un signal. Et lié à eux, les Bourbons qui paradent, rêvent vengeance, rétablissement de la monarchie.
    Napoléon tisonne le feu.
    C’est la dernière épreuve avant la vraie bataille.
     
    On a arrêté Picot, un domestique de Cadoudal, annonce Réal. On a arrêté Bouvet de Lozier, qui fut adjudant général de l’armée des Princes, et est le principal officier de Cadoudal.
    Il a tenté de se suicider, dit Réal. On le ranime. Il veut parler. Voici ce qu’il a commencé à écrire : « C’est un homme qui sort des portes du tombeau encore couvert des ombres de la mort, qui demande vengeance de ceux qui par leur perfidie l’ont jeté lui et son parti dans l’abîme où il se trouve. »
    C’est comme si le front ennemi, tout à coup, en un point,

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