Le soleil d'Austerlitz
XII à Gênes, en 1507, poursuit Cambacérès, le roi de France portait une robe sur laquelle se trouvaient des abeilles d’or en grand nombre. L’aigle déployé, l’abeille ?
Napoléon donne son accord. Ainsi il s’inscrit dans la lignée des souverains, les rassemble dans sa dynastie. Et chaque cérémonie, chaque costume, chaque geste, dit-il, a son importance.
Le 13 juillet, par décret, il fixe l’ordre des « honneurs et des préséances ». Il ne veut plus, dit-il à l’archichancelier, de cette « petite guerre de l’étiquette ».
Il tranche, fixe la préséance des généraux de division sur les préfets, crée les gardes d’honneur, qui seront recrutés parmi les jeunes gens issus des meilleures familles. Et, plume à la main, luimême, il indique que la garde impériale comptera plus de neuf mille hommes, dont deux mille huit cents cavaliers.
Il dit à Berthier : « Des hommes grands, de un mètre soixante-dix au moins, qui ont cinq ans de service et ont participé à deux campagnes composeront la garde. »
Le ministre de la Guerre s’incline.
Puis Napoléon murmure d’une voix rêveuse, en regardant le général :
— Qu’est-ce que le mot Empereur ? Un mot comme un autre ! Si je n’avais d’autre titre que celui-là pour me présenter devant la postérité, elle me rirait au nez.
Il sourit devant le visage effaré de Berthier.
Il reprend :
— Il faut pour les hommes un jour favorable comme pour les tableaux.
Qu’en pense Berthier ?
Berthier balbutie.
Les hommes ont besoin de mots simples, d’idées fortes et claires, de cérémonies éclatantes.
Napoléon va jouer son rôle.
Il est l’Empereur.
Le 15 juillet 1804, dimanche, jour où l’on célèbre la fête anniversaire de la prise de la Bastille, il quitte le Carrousel à midi.
Devant lui, il voit les soldats alignés formant la haie et les quatre carrosses de Joséphine, de ses dames, des princesses et de leurs officiers, qui roulent déjà vers l’hôtel des Invalides.
Ce matin, dans sa robe de tulle rose semée d’étoiles d’argent, il a trouvé Joséphine belle et digne. Et il s’en est senti ragaillardi, heureux. Ce serait si simple si elle était ce qu’elle devrait être : une jeune épouse auréolée de son titre et de sa beauté, fidèle, attentive, et féconde. Et épousée vierge ! Mais elle n’a jamais été cela !!!
Constant et Roustam ont aidé Napoléon à revêtir l’uniforme de colonel de la Garde. Il a mis son chapeau noir et, maintenant, il est en tête du cortège, caracolant sur un cheval blanc. Derrière lui, les colonels généraux de la Garde, les grands officiers civils de la Couronne, les aides de camp et, fermant la marche, les grenadiers à cheval.
À l’hôtel des Invalides, le maréchal gouverneur lui offre les clés, puis Napoléon, conduit par le clergé, va jusqu’au trône qui a été érigé pour lui à gauche de l’autel.
Il se tient debout d’abord, tête nue, regardant l’immense nef, les tribunes, cette foule en uniforme rangée par catégories, là les élèves de l’École polytechnique, ici les invalides, là les ambassadeurs, les grands officiers civils, et ici les militaires.
Il s’assied. Le monde est en ordre et il en est le centre.
Le cardinal légat lit l’évangile, puis, après le discours du grand chancelier de la Légion d’honneur, Lacépède, Napoléon se lève. Il a replacé son chapeau droit sur sa tête. Cette cérémonie de remise de la Légion d’honneur, il l’a voulue ainsi, encadrée par des rituels religieux, dans l’Église. Et, après la distribution des étoiles de la Légion d’honneur, commencera le Te Deum. Ainsi, lors de cette cérémonie qui célèbre le 14 juillet, il aura réalisé la fusion qu’il cherche, exprimé le sens qu’il donne à son Empire.
Il commence à parler d’une voix forte qui résonne dans l’immense édifice :
— Commandants, officiers, légionnaires, citoyens et soldats, dit-il, vous jurez sur votre honneur de vous dévouer au service de l’Empire et à la conservation de son territoire dans son intégrité, et à la défense de l’Empereur, des lois de la République et des propriétés qu’elle a consacrées ; de combattre par tous les moyens que la justice, la raison et les lois autorisent, toute entreprise qui tendrait à rétablir le régime féodal…
Il se tait, parce qu’il faut que chacun comprenne. Il est l’Empereur d’un nouvel ordre. Il rétablit les formes
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