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Le soleil d'Austerlitz

Le soleil d'Austerlitz

Titel: Le soleil d'Austerlitz Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Max Gallo
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chapelets de nuages blancs glissent sur le vert des collines, cachant par instants le brillant du ciel bleu.
    Il se tient jambes écartées, pour résister au vent. Il va distribuer les Légions d’honneur à l’armée de Boulogne.
    Il appelle d’une voix forte chacun des promus. C’est comme un adoubement. Et il prend chaque décoration dans le casque de Bayard, que tient un aide de camp.
    Ces hommes-là doivent lui être fidèles comme des chevaliers.
    Entre l’honneur et l’argent anglais, entre la fidélité et la peur ou l’intérêt, ils ne doivent pas hésiter.
    Il faut qu’il en soit ainsi d’un bout de l’Empire à l’autre, dans toute l’Europe pour vaincre l’Angleterre.
     
    Ce jour-là, Napoléon décide de visiter les villes de la rive gauche du Rhin, sur lesquelles régna Charlemagne.

28.
    Il se laisse aller. Son corps suit durant quelques minutes les mouvements de la berline. Il froisse la lettre que lui a donnée Méneval, assis en face de lui. Il croise son regard et aussitôt le secrétaire baisse les yeux.
    Napoléon regarde par la fenêtre. La voiture traverse un paysage vallonné que raye la pluie violente.
    Il pleut depuis qu’ils ont quitté Boulogne. Il a plu à Saint-Omer, pendant la revue des divisions de réserve de cavalerie. Il a plu à Arras, pendant le défilé des troupes, qui a duré plusieurs heures.
    Napoléon est resté debout sous l’averse, félicitant le général Junot pour la bonne tenue des troupes. Il a revu Laure Junot, mais il n’a échangé que quelques phrases avec elle. Il a dû recevoir en audience les officiers, le préfet, les notables, l’évêque. Il a fait face à ses obligations parce qu’il est l’Empereur et qu’un chef ne doit pas sentir la fatigue, doit oublier son corps. Il a à peine dormi et retrouvé la berline et la route qui d’Arras conduit à Mons et à Bruxelles. Il doit loger au château de Laeken et repartir pour Aix-la-Chapelle, la ville de Charlemagne où Joséphine l’attend.
    Il sent sous ses doigts le papier. Il l’écrase avec fureur. Ainsi donc, l’amiral Latouche-Tréville est mort à Toulon, de maladie. Et cela le révolte. C’était l’un des seuls amiraux en qui il avait confiance. Il y a quelques jours, il lui avait adressé une lettre dont chaque phrase lui revient. « Si vous trompez Nelson, avait-il dicté, il ira en Sicile, en Égypte ou au Ferrol… Du reste, pour fixer mes idées sur cette opération qui a des chances, mais dont la réussite offre des résultats si immenses, j’attends le projet que vous m’avez annoncé. »
    Mais Latouche-Tréville est mort.
    Et je peux mourir.
    Il ferme les yeux. Il ne veut pas s’attarder à cette pensée. Mais la lettre qui annonce la disparition de l’amiral est dans son poing. On peut mourir de maladie, même quand on est soldat. Ou Empereur. Il repousse cette idée. Il a confiance dans son corps. Il n’écoute pas Corvisart. Que peut un médecin ? Et pourtant, parfois, il a le sentiment que son corps se transforme. Une douleur traverse son estomac ou son ventre. Il faudra qu’il mange moins encore, se contente d’oeufs au miroir, de quelques légumes en salade, d’un peu de parmesan, et, à certains repas, en campagne, d’un poulet rôti, d’une soupe, d’un bouilli.
    Il montre à Méneval l’un des placards de la berline qui contient la bouteille de chambertin. Il veut boire un verre de son vin. Il suit les gestes de Méneval qui débouche la bouteille de chambertin. D’un mouvement de la main, Napoléon arrête le secrétaire, lui demande de verser un peu d’eau dans le verre. Il ne veut boire son chambertin que coupé. Il jette la lettre sur la banquette et prend son verre, qu’il avale d’un trait.
    Un empereur peut-il s’attarder à écouter ce qui se passe dans cette machine qu’est son corps ?
     
    Il commence à dicter une lettre pour Portalis, ministre de l’Intérieur par intérim.
    « Vous devez avoir aujourd’hui, prononce-t-il d’une voix saccadée, le montant des votes pour l’hérédité. »
    Il s’arrête un instant. Il n’y aura à ce plébiscite pour l’Empire que quelques milliers d’opposants. Mais il ne faut rien négliger, afin que le nombre des Oui soit écrasant.
    « Joignez-y ceux des armées et de la marine, reprend-il, et faites-moi connaître le résultat total. Il doit être de plus de trois millions de votes. »
    Que les préfets agissent en conséquence. Il est d’abord l’Empereur des Français.

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