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Le souffle de la rose

Le souffle de la rose

Titel: Le souffle de la rose Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Andrea H. Japp
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d’elle. Agnès retint le commentaire qui lui venait aux lèvres. Non, elle
ne s’était pas pissé dessus. Elle avait remonté son vêtement, et si son gens d’armes
avait eu l’occasion d’apercevoir un mollet ou un genou, ou pire, grand bien lui
fasse. Elle était maintenant au-delà de ces ridicules vexations qui, en d’autres
temps, en d’autres lieux, lui eussent paru d’une gravité inouïe.
    Lorsqu’ils parvinrent enfin à Alençon, la soif desséchait
les lèvres d’Agnès.
    Le fardier cahota sur les pavés irréguliers de la cour de la
maison de l’Inquisition. Florin annonça d’une voix suave :
    — Nous sommes rendus, madame. Ce long voyage vous aura
exténuée. Aussi vais-je vous conduire sans tarder vers... votre résidence pour
les semaines à venir.
    Agnès n’eut aucun doute sur ses mobiles. Il voulait voir son
visage se décomposer et elle se prépara au pire. Du moins le crut-elle.
    Malgré l’obscurité qui les environnait, l’inquisiteur avança
d’un pas sûr vers les quelques marches qui menaient à une lourde porte
renforcée de traverses. Elle le suivit, consciente de la présence de deux
gardes à trois mètres derrière elle.
    Un froid glacial régnait dans l’ouvroir [5] . Florin fit allumer quelques
chandelles et dans la clarté tremblotante qu’elles dispensaient, Agnès songea
qu’il ressemblait à une belle apparition malfaisante.
    — Allons, la pressa-t-il d’un ton que l’agitation
gagnait.
    Ils traversèrent la salle basse, vide de meubles à l’exception
d’une grande table de bois noir flanquée de ses bancs. Florin se dirigea vers
une porte qui ouvrait à droite de l’un des murs de la grande pièce.
    Un très jeune homme sembla se matérialiser à côté d’Agnès.
    Florin déclara d’une voix à la douceur inquiétante :
    — Agnan... tu m’as l’air tout endormi. Je ne peux
croire que tu reposais pendant que je courais la campagne pour la plus grande
gloire de l’Église.
    Nicolas avait distingué Agnan des autres clercs afin de le
charger de son secrétariat. La laideur sans charme du jeune homme le comblait.
Quelle magnifique injustice que la laideur. Cet Agnan-là était un être doux et
affable, intègre et pieux, et pourtant ces petits yeux rapprochés, ce grand nez
mince et ce menton fuyant qui le défiguraient inspiraient la défiance dès que le
regard les frôlait. En revanche qui aurait cru que la longue silhouette
gracieuse de Nicolas, ses yeux tendres, étirés vers les tempes, sa bouche
pleine dissimulaient une âme dont la noirceur eut fait frissonner les bourreaux
séculiers ? Agnan comblait donc Nicolas puisque, de surcroît, il le
terrorisait sans effort.
    — Certes, non, messire inquisiteur. Je collationnais
les diverses pièces du prochain procès afin de vous avancer dans votre tâche,
se justifia l’autre d’une voix mal assurée.
    — Bien. (Sans se tourner, Nicolas désigna Agnès d’un
revers de main avant d’ajouter :) Madame de Souarcy est rendue en nos
murs.
    Agnan jeta un regard craintif à la jeune femme puis baissa
bien vite la tête. Pourtant, elle aurait juré qu’une ombre de pitié était
passée dans les yeux du secrétaire.
    — Eh bien, va... continue donc de m’avancer.
    L’autre s’inclina en bafouillant une approbation et se
retira dans le seul murmure de sa robe de triste bure.
    Un des gens d’armes se précipita pour ouvrir la porte basse.
Un escalier de pierre en colimaçon plongeait vers les ténèbres épaisses. Le
garde les précéda dans la descente afin d’éclairer les marches. L’odeur âcre de
moisissure prit Agnès à la gorge à mesure qu’ils s’enfonçaient vers les caves.
D’autres relents s’y mêlèrent bien vite, ceux de la crasse et des excréments,
ceux de la sanie et de la charogne.
    L’escalier débouchait sur un sol de terre battue, boueuse
des premières montées de la Sarthe. Agnès respirait par la bouche dans l’espoir
de dissiper sa nausée. Florin déclara d’un ton léger :
    — On s’y accoutume. Au bout de quelques jours, la
puanteur devient telle que plus personne ne la distingue.
    La salle souterraine semblait immense et Agnès songea qu’elle
devait dépasser la surface au sol de la maison de l’Inquisition. Des grilles
reliaient les piliers de soutènement, délimitant des cachots. Ils longèrent ces
petites cages dans lesquelles un homme ne pouvait se tenir debout. Parfois, la
lumière tremblotante de la chandelle que brandissait Florin

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