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Le souffle du jasmin

Le souffle du jasmin

Titel: Le souffle du jasmin Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Gilbert Sinoué
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peuple.
     
     
    Le Caire, 20 juin 1952
     
     
    Fadel et Hicham étaient sains et saufs. Au soir de ce samedi auquel les
Égyptiens donnaient déjà le nom de Black Saturday , les deux frères avaient regagné le
domicile familial, mais refusé formellement de révéler à leurs parents où ils
avaient passé la journée du 26 janvier. Ils se contentèrent d'assurer qu'à
aucun moment ils ne firent partie des émeutiers.
    On arrivait au début de l'été.
    Dans une sorte d'instinct de survie, Farouk s'était constitué un
« dernier carré » composé de personnages hétéroclites et sans envergure.
La plupart du temps, la volonté royale ne s'exprimait plus par la voie
officielle, mais à travers un petit groupe de serviteurs qui formait ce que
l'on avait appelé le « cabinet de cuisine ». L'Égypte était livrée à
elle-même.
    Le 22 juillet au matin, un civil sonna à la Villa Loutfi et demanda à
parler à Hicham. Aussitôt, sous l'œil circonspect de son père, celui-ci emmena
le visiteur dans son bureau et, avant de refermer la porte, exigea qu'on ne les
dérange pas.
    L'homme s'appelait Ahmed Aboul Fath. Il était journaliste, rédacteur en
chef du journal wafdiste El-Misri, beau-frère du lieutenant-colonel Okacha, l'un des membres fondateurs du
Cercle des officiers libres.
    — Je suis désolé de te déranger chez toi, Hicham, mais la gravité de la
situation l'exige.
    – Je t 'écoute.
    – Comme tu le sais, le
gouvernement est tombé. Le troi sième en six mois. J 'ai appris hier soir, par une source digne de foi, le
nom de la personnalité que le roi a l'intention de nommer au
ministère de la Guerre. Il
s 'agit du général Hussein S irri, annonça
Ahmed, le visage grave.
    – Ce n'est pas possible !
    De toutes les personnalités politiques, Sirri était de loin la plus
honnie de Nasser et du « Cercle des officiers libres » ; celle
qui représentait le plus grand danger pour leur sécurité à tous.
    – Attends, reprit Ahmed. Le pire est à venir. Dans la foulée, le
souverain exige l'arrestation des militaires qui comploteraient contre sa
personne.
    Hicham devint blême.
    – L'arrestation des militaires ? Tu veux dire qu'il a des
noms ?
    – Je n'en sais rien. Mais, dans le doute, je me devais de vous
prévenir. Saroit m'a fait l'honneur de me parler de toi et de ton implication
auprès du Cercle. C'est pourquoi j'ai préféré venir ici plutôt que de me rendre
à son domicile, pour ne pas éveiller les soupçons. Sa maison est déjà sous
surveillance.
    – Il faut que j'avertisse Nasser, sans tarder !
    – C'est l'évidence. Et le général Naguib ?
    Hicham hésita.
    Voilà un certain temps déjà que Mohammad Naguib avait attiré
l'attention de Nasser et de ses compagnons. Blessé par trois fois lors des
combats de Palestine, ce militaire représentait à leurs yeux le parfait héros.
Alors qu'il se remettait de ses blessures à l'hôpital, le général avait été
abordé pour la première fois par l'un des amis les plus intimes de Nasser : le colonel Abdel
Hakim Amer. Le militaire lui avait exposé dans les grandes lignes l'ambitieux
dessein poursuivi par le Cercle des officiers libres. Quelque temps plus tard,
alors que Naguib enseignait à l'école d'état-major, on était venu le solliciter
à nouveau. Amer, toujours. Mais, cette fois Nasser l'accompagnait. Les deux
hommes étaient allés plus loin dans la confidence, décrivant par le détail
leurs aspirations. Et Naguib s'était laissé
convaincre. En réalité, Hicham l'avait vite compris, si Nasser et ses
compagnons faisaient appel à cet homme, c'était uniquement parce qu'ils avaient
besoin d'une personnalité crédible, connue de tous et respectée. Une figure
emblématique et rassurante. Quelqu'un qui aurait l'oreille du peuple. Une fois
la monarchie renversée, Naguib passerait probablement à la trappe.
    – Oui, dit Hicham, pensif, je préviendrai
aussi le général Naguib.
    Il se leva, saisit le journaliste par le bras et, sous le regard
interloqué de son père, se précipita vers sa voiture.
    – Où va-t-il encore ? s'étonna Nour.
    – Crois-tu que ton fils daigne me
renseigner sur ses allées et venues ? C'était déjà ainsi lorsqu'il était
un simple troufion, maintenant qu'il a été promu capitaine, c'est pire !
    Nour haussa les épaules, fataliste.
    – De toutes les façons, à vingt-six ans,
ce n'est plus un gamin.
    – Eh bien, fulmina Taymour, j'aurais
pensé exactement le contraire !

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