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Le souffle du jasmin

Le souffle du jasmin

Titel: Le souffle du jasmin Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Gilbert Sinoué
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les
parages. De toute façon, aux yeux des Arabes, Américains et Anglais n'étaient
pas si différents. Sinon que les premiers avaient de moins bonnes manières que
les seconds et qu'ils réalisaient de meilleurs films.
    Deux jours après l'incident du cortège funéraire, un
camion chargé de policiers égyptiens précédait un autre, chargé de soldats
anglais. Le pot d'échappement du premier pétarada. Aussitôt, les Anglais, se croyant
attaqués, tirèrent à bout portant sur les Égyptiens. Nombre de victimes :
non communiqué.
    Le pouvoir ne broncha pas.
    C'est alors que le général Erskine, commandant en chef des troupes
anglaises en Égypte, surnommé Strong George, sortit de sa réserve pour tancer le pays :
    « La presse égyptienne a annoncé que de jeunes volontaires
s'apprêteraient à quitter Le Caire, apparemment avec l'approbation du
gouvernement, afin d'attaquer les troupes qui sont sous mon commandement dans
la zone du canal. Si ces rapports sont avérés, si des attaques venaient à se
produire, je serais obligé d'écraser ces rebelles avec les moyens dont je
dispose et que je n'ai pas utilisés jusque-là. J’espère que toutes les
personnes responsables de ce pays, et particulièrement les parents de ces
garçons mal éduqués (these misguided boys), sauront freiner leurs ardeurs criminelles. Cette jeunesse ferait mieux
de se préparer à devenir des citoyens utiles à l'Égypte. »
    Sa mise en garde eut exactement l'effet contraire de celui que Strong
George escomptait. Dès le lendemain, on vit
fleurir sur les façades des universités des banderoles garnies d'inscriptions
telles que : Ya Erskine, el chabab el masri bi ollak tozz ! « Erskine, la jeunesse égyptienne te dit
m... ! »
    Le lendemain, 23 janvier 1952, un commando attaqua le camp britannique
de Tall el-Kébir, où se trouvait le plus important dépôt de matériel et de
munitions du Moyen-Orient.
    Le 24 janvier à l'aube, les blindés d'Erskine s'ébranlèrent vers la
ville d'Ismaïlia et encerclèrent les deux casernes où étaient cantonnées les
forces de police locale, les Boulouks Nizâm, Erskine estimant que le vrai responsable de l'attaque de Tall el-Kébir
était cette police qui n'avait rien tenté pour s'opposer au commando.
    Affolé, le capitaine Rifaat, commandant en chef des Boulouks, décrocha son téléphone et appela Fouad Sarag El-Dine, le ministre de
l'Intérieur. La poignée de gendarmes qui était sous ses ordres était non
seulement sous-équipée, mais aucunement entraînée à livrer bataille contre des
soldats de la trempe des Britanniques. Devait-il capituler ou tenir ?
    La réponse de Sarag el-Dine fut catégorique : « Tenir !
Il faut tenir coûte que coûte. Une reddition ferait perdre la face au
gouvernement, discréditerait celui-ci aux yeux du peuple. »
    C'est à ce moment qu'Erskine interpella le capitaine
Rifaat :
    – Rendez-vous !
Vous serez bien traités.
    Rifaat, qui six mois plus tôt, achevait un stage à la
brigade criminelle de Scotland Yard, s'avança à l'entrée de la caserne.
    – J'ai été en partie
élevé en Angleterre. Je regarde les Anglais comme des gentlemen. Mais vous,
Anglais qui nous combattez ici n'êtes pas des gentlemen. Vous avez massé des
chars contre des Égyptiens presque sans défense.
    – Je comprends que
votre situation soit délicate, répliqua Strong George , mais notre décision
est prise. Vous avez un quart d'heure.
    Rifaat rejeta l'ultimatum. Erskine donna l'ordre de
tirer. Les chars Centurion éventrèrent le bâtiment à coups d'obus de 20 livres.
Armés de leurs fusils d'opérette, les gendarmes se défendirent comme ils
purent. Ce fut un carnage.
    Après deux heures de combat, Erskine renouvela sa
sommation.
    Le capitaine Rifaat jaillit alors du bâtiment les mains
et les vêtements couverts de sang.
    – Voyez ce sang sur mes
mains ! C'est celui de vos victimes. Vous n'êtes pas des soldats, vous
êtes des assassins !
    Strong
George rétorqua,
placide :
    – Vous aurez des
ambulances. Nous vous rendrons les honneurs. Vous êtes braves et nous
respectons la bravoure !
    Rifaat haussa les épaules et lança, avant de retourner
dans la fournaise :
    – Tout à l'heure, vous
viendrez chercher nos cadavres !
    Le combat reprit.
    À midi, les mortiers anglais déclenchèrent un feu
roulant.
    Un quart d'heure plus tard, Rifaat n'eut d'autre choix
que de hisser le drapeau blanc. Bilan : 46 tués et 76 blessés côté
égyptien, 3 morts

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