Le souffle du jasmin
conférence, Dag Hammarskjöld, le secrétaire général de
l'ONU, s'approcha du docteur Fawzi, ministre égyptien des Affaires étrangères,
et lui murmura :
– Il est heureux qu'après le train de représailles militaires que les
Britanniques ont envisagé contre vous, le wagon de tête ait dépassé la station.
Hammarskjöld se trompait. Le train venait seulement d'entrer en gare.
Le 29 octobre 1956 à 20 h 30, l'opération « Mousquetaire »
commence. Les blindés israéliens se lancèrent en territoire égyptien.
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Une civilisation qui
s'avère incapable de résoudre les problèmes que suscite son fonctionnement est une
civilisation décadente.
Aimé Césaire,
Le Caire, 29 octobre 1956, 21 heures
Alors que Nasser fêtait chez lui l'anniversaire d'un de
ses fils, un messager accourut : Israël a attaqué .
Il quitta sa famille, convoqua ses collaborateurs.
Ordre fut donné aux forces égyptiennes chargées de
protéger le canal de quitter leur position et de faire mouvement vers le Sinaï.
La zone du canal se retrouva entièrement sans défense.
Le 30 octobre, Anthony Eden et Guy Mollet [113] , comme ils en étaient convenus, annoncèrent en fin
d'après-midi à leurs Parlements respectifs qu'ils avaient lancé aux deux
belligérants un ultimatum leur enjoignant de se retirer à quinze kilomètres de
part et d'autre du canal de Suez et de permettre l'installation de contingents
franco-britanniques à Port-Saïd, Ismaïlia et Suez, faute de quoi ces bases
seraient occupées par la force
Le délai limite d'acceptation de l'ultimatum était de
douze heures.
Nasser n'y comprenait rien. Pourquoi cette exigence
alors les Israéliens étaient encore – à ce stade des opérations – à quelque
soixante kilomètres de la voie d'eau ? Appliquer ces conditions reviendrait à sonner le rappel des troupes égyptiennes en poste au
Sinaï, à leur faire passer la voie d'eau et à les positionner à quinze
kilomètres de la rive ouest. Quant aux Israéliens, l'ultimatum les invitait
purement et simplement à poursuivre leur progression jusqu'à 10 milles du canal
de Suez. Absurde !
Nasser n'y comprenait rien, car il ignorait tout des tractations
secrètes de Sèvres.
De toute façon, il était hors de question de céder. Ce serait une
catastrophe.
Les forces franco-britanniques avaient prévu deux jours de bombardement
intensif pour anéantir l'aviation égyptienne. Un seul fut suffisant. L'Égypte
disposait seulement d'une trentaine d'avions, dont la plupart n'étaient pas
opérationnels.
Du haut des minarets de la totalité des pays arabes, les muezzins
appelèrent à la guerre sainte.
À Washington, le président Eisenhower fut saisi d'une colère froide,
estimant avoir été trompé.
Aux Nations unies, une motion américaine, votée le 30 octobre par sept
voix contre deux, celles de la France et de la Grande-Bretagne, fut aussitôt
frappée de veto par ces deux pays.
« Sommes-nous ou non en guerre avec l'Égypte ? »
demandèrent les députés travaillistes à M. Eden, qui commença par
déclarer : « Je ne suis pas du tout disposé à donner des détails à
cette assemblée », puis, pressé de questions, admit que les hostilités
avaient commencé.
« En prenant cette décision, s'écria M. H. Gaitskell, leader
de l'opposition travailliste, le gouvernement a commis un acte de folie
désastreuse, dont nous regretterons pendant des années les conséquences
tragiques. Oui, nous le regretterons tous, parce qu'il aura fait un mal
irréparable au prestige et à la réputation de notre pays. Par cet acte,
monsieur, vous n'avez pas seulement négligé, vous avez attaqué les trois
principes qui ont dirigé la politique étrangère britannique : la
solidarité avec le Commonwealth, l'alliance anglo-américaine et le respect de
la charte des Nations unies... »
Mais, pendant qu'on discutait au Parlement britannique, les opérations
militaires se poursuivaient : bombardement intensif des aérodromes égyptiens, des camps, des points stratégiques, des
installations de radio pour faire taire la « Voix des Arabes », et
« nettoyage » des quartiers de Port-Saïd, où les parachutistes
avaient pour mission d'occuper le port vers lequel l'armada franco-britannique
se dirigeait.
Appliquant leur plan d'intervention, les troupes britanniques et
françaises furent parachutées en toute hâte sur la ville de Port-Saïd. Mais,
contre toute
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