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Le souffle du jasmin

Le souffle du jasmin

Titel: Le souffle du jasmin Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Gilbert Sinoué
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déserte,
battue par le sable et le vent. Comment survivre avec ce sentiment
d’impuissance ? Comment ?
    Tout récemment, les Anglais avaient publié un rapport détaillé de la
situation et l'un de leurs experts, lord Peel, avait proposé un plan. Un
plan ? Non, une injure ! Une ignominie ! Il préconisait ni plus
ni moins un partage de la Palestine : les Arabes perdraient le littoral, à
l'exception de Jaffa et de Gaza. La Galilée et surtout Jérusalem resteraient
sous le contrôle des Britanniques. Céder un morceau de son pays était déjà une
humiliation, mais accorder à des étrangers la région la plus riche économiquement signait l'arrêt
de mort des paysans, des agriculteurs, des pécheurs palestiniens. D'ailleurs,
les Arabes n'étaient pas les seuls à juger ce plan Peel inadmissible : le
mouvement révisionniste juif le refusait aussi. Selon eux, et leur leader
Jabotinsky, la Grande-Bretagne avait déjà amputé la terre d'Israël de la
Transjordanie. Les grands rabbins catastrophés criaient leur vindicte :
« Le peuple d'Israël n'a pas renoncé au cours de milliers d'années d'exil
à son droit sur la terre de ses ancêtres et ne renoncera pas à un seul pouce du
pays d'Israël. »
    Comment survivre avec ce sentiment
d'impuissance ?
    Le mufti avait-il lu dans les pensées
de Mourad ? Il déclara :
    – Par le sacrifice du sang.
    Mourad garda le silence tandis
qu'El-Husseini poursuivait :
    – Depuis avril 1936, n'ai-je pas
appelé à une grève générale dans toute la Palestine ? Cette grève
n'est-elle pas respectée à ce jour ? N'avons-nous pas
annoncé que nous ne paierons plus d'impôts aux Britanniques ? La consigne
n'est-elle pas appliquée ? Nos cibles ne sont-elles pas atteintes !
Qu'il s'agisse du pipeline passant de Haïfa à Kirkouk, des lignes de chemin de
fer, des trains ?
    Le mufti disait vrai, voilà un an
qu'à son instigation la grande révolte arabe avait éclaté. Et ni les vingt
mille soldats britanniques arrivés en renfort, ni les vingt et un mille
combattants de la Haganah [87] , ni les mille cinq cents de l'Irgoun [88] ne parvenaient à
l'endiguer. Mais était-ce une solution, la violence appelant la violence, se
nourrissant d'elle ? Une centaine d'Arabes condamnés à mort ; plus de
trois mille Palestiniens tués ; des centaines de Juifs ; des Anglais.
Était-ce une solution ?
    Le mufti se leva d'un seul coup et arpenta la pièce tout e n
poursuivant :
    – Il n'est pas admissible de livrer
notre pays à des gens sous prétexte qu 'ils
ont été expulsés ou qu 'ils sont harcelés dans d'autres parties du monde.
Que ceux qui les harcèlent les hébergent ! Que ceux qui les
expulsent payent le prix !
    Allant vers Mourad, il conclut :
    — Par le sang. Ai-je répondu à tes questionnements ?
    Mourad Shahid fit oui, mais sans
conviction.
    – Je vais me rendre au Caire et en
Syrie, dit -il d 'une voix sourde.
    – J'imagine que c'est pour réunir de
nouveaux fonds pour votre bureau, celui de la Palestine indépendante ? Si ma mémoire
est bonne, n'a-t-il pas été initié par ton grand-cousin Latif el-Wakil ?
    – Absolument. D'ailleurs nous partons
ensemble.
    – Vous faites fausse route, mes
frères. Je te répète, le langage des armes est le seul qui pourra être compris
par ces gens.
    – Peut-être. Mais je crois aussi au
langage des mots. Nous allons lancer un appel aux peuples arabes pour les
mettre en garde contre les conséquences désastreuses et les résultats funestes
qui les menacent si ce partage de la Palestine est confirmé.
    Le mufti partit d'un grand éclat de
rire.
    – Dis-moi, mon frère, quel âge
as-tu ?
    – Trente-huit ans.
    – J'en ai six de plus. Seulement, en
t'écoutant, j'ai eu l'impression d'en avoir cent. Tu es encore un enfant. Je
suis un vieillard. Pars. Va donc mendier chez nos amis syriens, égyptiens,
libanais... Moi, j'ai opté pour une autre sébile. Et, crois-moi, ce ne sont pas
des pièces sonnantes et trébuchantes que l'on va m'offrir. Mais du feu. Un feu
qui consumera nos ennemis plus sûrement que les flammes de la géhenne. Pars,
mon ami... J'aurai une pensée affectueuse pour toi et ton cousin.
    Il récupéra une lettre de son bureau
qu'il montra à Mourad. Il s'agissait d'une invitation à se rendre en Allemagne.
    La lettre était signée Adolf Eichman.
    Le lendemain, le sang continua de se répandre.
    Un autobus sur la route Naplouse-Jaffa fut attaqué. Trois voyageurs qui
se trouvaient à

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