Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Le souffle du jasmin

Le souffle du jasmin

Titel: Le souffle du jasmin Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Gilbert Sinoué
Vom Netzwerk:
l'avenir, nul doute
qu'il se fût sabordé. » Je lui en veux de ne pas avoir eu ce don.
    Elle se blottit contre lui. Elle ressemblait tout à coup à une enfant
apeurée.
    – Je t'aime, Dounia. Le sais-tu ?
    Elle afficha un faux air boudeur.
    – Oui. Mais pas suffisamment. Pas
assez à mon goût.
    Il hocha la tête d'un air entendu,
lui saisit la main et l’entraîna vers la voiture garée près de l'édifice du gouvernorat.
Deux militaires français louchèrent vers eux, suspicieux.
    Lorsque Jean-François fit démarrer le
moteur, les soldats les observaient toujours. La Chevrolet Sedan s'ébranla dans
un nuage de poussière. À la lueur des phares, la route descendait en serpentant
vers la plaine de Zabadani et ses forêts.
    Brusquement, alors qu'ils arrivaient
devant une avancée de roches en saillie, Jean-François se rangea sur le
bas-côté et immobilisa le véhicule.
    – Que se passe-t-il ? s'inquiéta
Dounia.
    En guise de réponse, il effleura de
ses lèvres le creux de son cou.
    Elle laissa échapper un petit rire.
    – L'hôtel n'est pas loin, tu
sais ?
    – Pas assez à mon goût. C'est bien ce que tu as dit ?
    – Je…
    Elle n'acheva pas sa phrase.
    Les lèvres de Jean-François avaient
scellé les siennes. Leurs langues se cherchèrent. Se trouvèrent, pour se
reperdre.
    Elle portait des escarpins à hauts
talons. Un chemisier noir. Il entrouvrit le chemisier.
Elle ôta les escarpins en frottant un talon contre l 'autre, se débarrassa de sa jupe. Écartant les
cuisses, elle les souleva, prenant appui sur le
tableau de bord. Il se coucha partiellement sur elle, glissa ses mains sous les
fesses de Dounia, la forçant à se cambrer pour
mieux l’accueillir. Elle poussa un cri. Ses pupilles se
dilatèrent au mom ent où il entra en elle. Un nouveau cri,
un autre plus viole nt encore, comme
si chacun nourrissait le plaisir de l’autre qui montait inexorablement.
     
    *
     
    Bagdad, 18 février 1937
     
     
    Nidal el-Safi mangeait un melon sous le regard
navré de son épouse. La veille, il avait été démis du dernier poste qu'occupait
encore : secrétaire aux Communications. Raison officielle : son âge. Soixante-quatre
ans. Celui de la retraite. Raison officieuse : son appartenance au clan El-Keylani.
    – Il ne faut pas t'en faire, dit Salma
d'un ton désolé. De toute façon, il était temps que tu prennes du repos.
    Nidal opina faiblement.
    – Ma vie, je l'ai accomplie. Bien ou
mal. Elle est derrière moi. Non. Je me fais du souci pour mon pays. Nous
courons au désastre. Certes, hier encore, Ghazi s'en est pris avec violence,
dans un discours radiophonique, à la politique anglaise dans la région. Mais
autant donner du foin à un âne mort, car que peut-il faire sans armée ?
    – Ne disais-tu pas, il y a peu, que
l'armée se constituait lentement, mais sûrement ?
    – Oui. Mais beaucoup trop lentement.
Les Anglais freinent des quatre fers et...
    On sonnait à la porte.
    Un domestique alla ouvrir.
    Quand il revint, il était accompagné
d'un homme en civil, le visage grave.
    – C'est votre ami, Rachid el-Keylani
qui m'envoie, monsieur. Il m'a prié de vous informer.
    – Que se passe-t-il ?
    – Alors que le général Abou Bakr
Sidqi était en déplacement à Mossoul, il est tombé dans une embuscade dressée
par des officiers. Il a été abattu.
    Nidal réagit d'un haussement d'épaules,
songeant que le Kurde avait décidément tout raté : son coup d'État comme
sa mort.
    Il alla vers un coffret de bois
incrusté de nacre et d'argent, en sortit une bouteille de cognac et en versa un
petit verre à son visiteur.
    – Tiens, dit-il, considère ce breuvage
comme un médicament.
    Il se servit également.
    En trempant ses lèvres, il
pensa : « Qui sera le prochain ? »
     
     
    *
     
     
    Palestine, 2 mars 1937
     
     
    Le premier témoin fut un cultivateur
nommé Omar Farahan, des environs de Naplouse.
    Réveillé comme d'habitude au chant du coq, il
écarquilla les yeux : à une centaine de mètres de sa maison, une clôture
barrait l'horizon. Une clôture ? Mais elle n'était pas là hier soir !
Derrière, s'élevaient des maisons blanches, neuves. Rêvait-il ? Il s'approcha.
Des équipes d'ouvriers érigeaient des carcasses en bois sur lesquelles ils
vissaient des planchers et des cloisons. D'autres maisons ! Omar Farahan
tendit le cou : là-bas, des plombiers installaient des canalisations, les
unes menant à une grande fosse qu'une excavatrice achevait de creuser,

Weitere Kostenlose Bücher