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Le souffle du jasmin

Le souffle du jasmin

Titel: Le souffle du jasmin Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Gilbert Sinoué
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bord – des Juifs – furent immédiatement fusillés à bout
portant, les autres passagers détroussés.
    Le soir, on retrouva les cadavres de deux Arabes égorgés près d'une
bananeraie juive. Presque simultanément, le bruit courut que quatre Hauranais
avaient été lapidés à Tel-Aviv. Les Hauranais étaient des ouvriers d'origine
syrienne, pour la plupart des clandestins, qui travaillaient ordinairement
comme débardeurs dans les ports. Apprenant l'assassinat de leurs compatriotes,
un groupe se présenta au gouvernorat de Jaffa réclamant justice et protection.
Le district commissioner eut beau
essayer de leur faire entendre raison, de leur expliquer qu'il s'agissait de
fausses nouvelles, rien n'y fit les Hauranais se répandirent à travers les rues
en hurlant que les sionistes massacraient les Arabes. En quelques minutes, des
bandes déchaînées se jetèrent sur les passants juifs, matraquant les plus âgés.
Les coups portés furent d'une si grande violence que deux cadavres ne purent
être identifiés.
    Sur les routes proches de Jaffa, les paysans jetaient des pierres sur
toutes les automobiles qui passaient ; le fils du consul de Suède et de
hauts fonctionnaires, des touristes britanniques, furent gravement blessés. À
Jénine, un pèlerinage français fut accueilli par une pluie de cailloux. De leur
côté, les Anglais n'étaient pas en reste : amendes collectives,
destruction de maisons soupçonnées d'héberger des « terroristes ».
Certains témoignages faisaient même état de meurtres et de viols commis par les
militaires de Sa Majesté.
    Par le sang , avait affirmé
le mufti. Le sang coulait à flots.
    À Jaffa, dans la journée du lundi 4 mars, cinq Juifs et deux Arabes
furent tués, vingt-six Juifs et trente-deux Arabes blessés. Un peu partout à travers le
pays, des maisons et des récoltes juives furent incendiées.
    Le 9 mars, les cinq chefs de parti, parmi lesquels Latif el-Wakil,
lancèrent un appel à la grève générale.
    Le même jour, le grand mufti Hajj Amin envoya des émissaires dans les
villages demandant aux musulmans de venir en m asse à la Prière du vendredi à la mosquée d'Omar afin de protester
contre l'attitude de la puissance mandataire. Tous les fidèles entrant dans la
vieille ville furent désarmés et El-Hussein convoqué au District Office , où on l'informa
que plus aucun discours n'était autorisé, que le gouvernement le tenait pour
personnellement responsable et que les officiers de police avaient ordre d'ouvrir
immédiatement le feu en cas de résistance à leurs injonctions.
    La menace dut porter, car la prière se déroula sans heurts.
    Le 15 mars, la révolte entra dans une nouvelle phase. À Nazareth, le
commissaire du district de Galilée, Lewis Andrews, fut assassiné par des Arabes
alors qu'il se rendait à l'église pour la messe du dimanche. La coupe
débordait. Les autorités anglaises promulguèrent un mandat d'amener à
l'encontre du grand mufti. Mais lorsque les policiers débarquèrent à son
domicile, Hajj Amin n'y était plus. On devait apprendre par la suite qu'il
avait réussi à s'enfuir pour le Liban.
     
    Le 17 mars, une charge explosive fut lancée sur des Palestiniens
attablés pour l’ Iftar , le repas de rupture du jeûne de ramadan.
    Le 18, peu avant 7 heures du matin, un militant juif tira sur trois
passants arabes dans une rue de Rehavia, un quartier chic de Jérusalem.
Bilan : un mort, un blessé. Peu de temps après, des coups de feu
retentirent non loin de là, près d'un chantier où travaillaient une quarantaine
d'ouvriers arabes. L’un d'entre eux fut tué. Les autres réagirent en attaquant
la quinzaine de Juifs qui œuvraient sur un chantier voisin : deux morts.
Un Arabe ; un Juif. Œil pour œil. Dent pour dent. Jamais la loi du Talion
n'avait été appliquée avec autant de célérité.
     
     
    *
     
     
    En cette fin du mois de mars 1937, on eut l'impression que le calme
revenait.
    Mourad Shahid était assis sur le divan du salon et contemplait
amoureusement son fils, Karim, qui lisait allongé sur le tapis, la nuque posée
sur un coussin.
    De temps à autre, sans aucune raison
apparente, un grand éclat de rire saisissait le garçon. Et Mourad se mettait à
rire à son tour. Quel bienfait que le rire ! Quel pouvoir magique !
Il étudia attentivement les traits de son fils. Le plus surprenant était bien
entendu ses yeux vairons. Un iris bleu et l'autre marron. Ce qui lui conférait
un regard tout à fait

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