Le souffle du jasmin
comme ce Yitzhak
Shamir, qui a fomenté la plupart des attentats ayant coûté la vie à nos
frères ; des Polonais, comme cet Avraham Sternou ce Jabotinsky, qui
prêche pour des représailles aveugles contre la population arabe. Ces
gens achètent des armes à l'étranger. Ils ont mis au point des réseaux d'une
efficacité redoutable ! Muni tions, mitrailleuses, grenades,
fusils, dynamites... Et nous ? Tu voudrais que nous luttions les mains
nues ? C'est cela que tu souhaites ? Tu as un enfant, un fils unique.
Qu’attends-tu ? Qu’il meure d'une balle en pleine tête parce que toi, son
père, tu auras refusé de t'armer ?
À bout de
souffle, Latif ferma les yeux, comme écrasé la tragédie qu'il venait d'évoquer.
Après un
silence qui parut interminable, Mourad prit la parole.
– Très
bien. Je vais t’accompagner. Mais que le Tout-Puissant
me pardonne.
Ils
traversèrent en silence la « Place des martyrs » , là
où, une vingtaine d'années auparavant, les Ottomans pendaient haut et court des
résistants libanais. Ils n'eurent pas un regard pour le monument qui
représentait deux femmes, l'une musulmane, l'autre chrétienne, se serrant la
main sur une urne – tout un symbole –, et atteignirent le port. Une vingtaine
de minutes plus tard, ils arrivaient devant l'entrée d'une grande maison de
pierre. Une Horch battant pavillon rouge à croix gammée stationnait devant la
porte. On introduisit les deux Palestiniens dans un salon saturé de senteurs
d'ambre et d'encens.
Un homme
marcha à leur rencontre. Il se présenta : Georg Kielhof, attaché militaire
allemand, et les invita à s'asseoir tandis que lui-même se laissait choir dans
un divan.
Après
quelques secondes d'observation, le visage pâle du diplomate se détendit
imperceptiblement et les yeux bleu délavé derrière les lunettes cerclées d'acier
se plissèrent.
– Puis-je
vous offrir à boire ?
Les deux
hommes déclinèrent la proposition.
L'Allemand
n'insista pas.
– Monsieur
El-Wakil, dit-il dans un anglais guttural, coupé de mots allemands, la
politique du III e Reich en ce qui concerne l'Orient a été clairement
définie. L'Allemagne n'a aucune visée colonialiste sur cette région. Au
contraire, elle aspire à la complète émancipation des peuples opprimés et
consacre tous ses efforts à ce but.
Mourad
Shahid battit des cils, mais demeura impassible. Il n'en pensait pas moins que
les louables efforts du III e Reich
correspondaient à une politique antianglaise sans
nuances.
– Des amis
communs m 'ont exposé vos souhaits qui, si
j'ai bien compris, consistent à procurer
des armes à vos concitoyens. J 'en ai parlé à la
Chancellerie à Berlin. J 'ai le
plaisir de vous confirmer que la réponse est oui. Mille cinq cents fusils
Mauser et des munitions adaptées vous seront expédiés...
– Où ?
coupa Latif.
– À la
destination de votre choix. De plus, un crédit de vingt-cinq mille marks vous est ouvert à la Banque ottomane d'Ankara. J'ajouterai,
déclara-t-il sur un ton confidentiel, que la recommandation
de monsieur le mufti de Jérusalem, Hajj el-Huzéni – il avait
massacré le nom, mais peu importait – v ous aura été d'un grand
secours. Soyez convaincu que nous soutenons totalement
le combat des Palestiniens contre l'into lérable occupation
de votre pays par les sionistes !
–
Monsieur, dit Latif, je vous prie de bien vouloir accepter mes sincères
remerciements et de les transmettre à votre chancelier.
Il jeta un coup d'œil vers Mourad qui affichait une expres sion
glaciale
– Bien entendu,
conclut Herr Kielhof, tout cela demeure strictement confidentiel.
– Bien entendu.
– Que je
n'oublie pas de préciser ceci : la Chancellerie estime que vous aurez
certainement besoin d'instructeurs pour former vos milices à l'art du combat.
Ils vous sont assurés dès vous en ferez la demande.
Mourad se
garda de rappeler que lesdites milices avaient été décapitées par la répression
anglaise. Sans doute l'Allemand pensait-il que les Palestiniens en lèveraient
de nouvelles.
– Oui je
vous le répète : le combat des Palestiniens est aussi le nôtre. La lèpre juive sera éradiquée.
Il scanda :
– É-ra-di-quée !
Ne recueillant aucune réaction de
ses interlocuteurs, il ajouta :
– Messieurs, avez-vous des
questions ?
El-Wakil fit non de la
tête.
– Dans ces conditions, permettez que je vous
raccompagne.
En
franchissant le seuil de la maison Mourad
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