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Le souffle du jasmin

Le souffle du jasmin

Titel: Le souffle du jasmin Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Gilbert Sinoué
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s’agenouilla et vomit devant la
voiture battant pavillon rouge à croix gammée.

 
     
     
     
24
     
     
     
     
    Pour
prendre une décision, il faut être un nombre impair depersonnes, et
trois c'est déjà trop.
     
    Georges
Clemenceau.
     
    Le Caire, 6 avril 1937
     
     
    Taymour
Loutfi posa sa montre-bracelet sur la tablette de la salle de bains et
s'apprêta à se raser. Il serra une lame neuve entre les dents du rasoir de
sûreté, se mouilla le visage à l'eau chaude, trempa le blaireau dans l'eau,
puis fît monter une mousse crémeuse en touillant le savon dans son bol. Il
étala cette mousse sur ses joues, son menton et son cou, en évitant
soigneusement la moustache. Ce fut à ce moment qu'il saisit son propre regard.
    C'est une
rencontre redoutable que celle d'un homme avec son reflet. Car celui-ci possède
un pouvoir connu des magiciens ; il est doté d'une vie indépendante et,
comme le sphinx, pose des questions qui, le plus souvent, commencent par
celle-ci :
    – Qui
es-tu ?
    Taymour
fut décontenancé. Voilà près de vingt ans qu'il se rasait devant un miroir. Que
lui arrivait-il donc aujourd'hui ? Peu importait, il fallait répondre.
    Il
commença à passer la lame sur la joue droite.
    –
Réponds !
    Je suis un
jeune homme de bonne famille et de bonne moralité. J'ai été
un fils aimant et maintenant je suis un mari aimant. Ma
femme m'a fait le don de deux enfants. Hicham et Fadel. Je suis député du seul
parti d'opposition. Je suis un homme intègre. J'ai suivi, tant
bien que mal, les préceptes du Coran et je me bats depuis des années pour mon
pays...
    Le reflet
ne paraissait pas convaincu.
    – Taymour,
hier soir tu as fêté tes quarante ans. Tu t'empâtes physiquement et
mentalement. Prends garde, tu es un notable aujourd'hui, mais tu risques de
tourner bientôt au vieux croûton. Si un coup d'État venait à se produire en
Égypte, à l'image de celui fomenté en Irak par le général kurde Bakr Sidqi, tu
passerais certainement pour un vestige du passé.
    Taymour
avait fini de se raser  ; il se regarda, songeur.
    Je
vieillis. Je vais vieillir tous les jours un peu plus. Effrayante perspective.
    –
Taymour !
    Il se
retourna.
    Lorsqu'il
vit les traits décomposés de son père, il comprit qu'un drame venait de se
produire.
    Loutfi bey
bredouilla en se retenant au chambranle de la porte   :
    – Elle est
partie...
    – Quoi,
père ? Qui ?
    – Dans le
salon... elle...
    Taymour
n'attendit pas la suite.
    Sa mère
était assise ou plutôt affalée dans un fauteuil, les bras pendant de part et
d'autre des accoudoirs. Le teint était terreux, l'expression faisait peur.
    Il
s'agenouilla auprès d'elle, lui prit la main et répéta comme un automate  :
    – Marna,
marna, marna...
    Il n'y eut
aucune réaction.
    Seule la
voix de Loutfi bey résonna, qui murmurait entre deux sanglots :
    – Que
vais-je devenir  ? Que vais-je devenir sans elle   ?
     
     
     
    *
     
     
    Haïfa,
le même jour
     
     
    Josef
Marcus fit non de la tête lorsque Nadia Shahid lui présenta le plat de
pâtisseries.
    – Merci.
Je ne sais pas ce qui m’arrive, mais depuis quelque temps, rien ne passe.
    – Ne
cherchez pas, Josef. C'est le foie. Je vais vous confier un remède
miracle : buvez tous les matins à jeun un demi-verre d'eau tiède, avec un
citron pressé et une cuillerée d'huile d'olive et, dans deux semaines, vous
vous sentirez aussi frais qu'un jeune homme.
    Marcus
approuva distraitement.
    – Comment
les choses se passent-elles ? s'informa-t-il avec une gravité soudaine.
    – Que
voulez-vous dire ?
    – Je me
fais du souci pour vous. J'imagine que la vie n'est pas facile depuis que
Hussein nous a quittés.
    Il releva
la tête et la fixa.
    – Vous ne
manquez de rien ? Tout va bien ?
    Elle
opina, émue.
    – Oui,
oui, ne vous faites pas de souci. Tout va bien.
    Il
insista.
    – Vous
êtes sûre ? Parce que, sinon, rappelez-vous, je suis là. Hussein était un
frère pour moi. Si vous avez le moindre…
    Une voix
sèche l'interrompit :
    – N'ayez
crainte, monsieur Marcus ! Nous n'avons besoin de personne et certainement
pas besoin de charité.
    Soliman se
tenait sur le seuil. Visage fermé.
    Le Juif
fit mine de ne pas avoir perçu l'ironie du ton et lança :
    – Salam aleïkoum , Soliman.
    – Que
faites-vous ici ?
    – Curieuse
question. Il n'y a pas longtemps encore tu n’aurais jamais posée.
    – Josef
est venu prendre de nos nouvelles, se hâta d'expliquer Nadia. Il s

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