Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Le talisman Cathare

Le talisman Cathare

Titel: Le talisman Cathare Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Luc Aubarbier
Vom Netzwerk:
ils ne sont pas ses complices. Il est si puissant ! Son beau-père, le vicomte de Turenne, Dieu ait son âme, lui a confié, avantde trépasser, la garde de trois châteaux forts sur le fleuve. Avec Castelnaud, Domme et Montfort, il tient toute la région sous sa coupe et cause mille douleurs à nos gens, ravageant nos récoltes, pillant nos églises. Lui, ce misérable, ce va-nu-pieds dont le castel d’Aillac n’était rien de plus qu’un repaire de brigands.
    — Mais comment est-il parvenu à une telle omnipotence que ni vous, ni messire le comte, ni l’évêque ne puissiez le déloger ?
    — C’est qu’il a reçu du diable une aide semblable à lui. Son épouse, Alix, n’est autre que la fille du vicomte de Turenne. Par sa beauté satanique, elle envoûte les nobles périgourdins et nul n’ose dès lors s’opposer à ce couple démoniaque. Nouvelle Jézabel, bien plus mauvaise et cruelle que celle des Écritures, elle est la plus féroce de toutes les femmes et l’égale de son époux en cruauté. Aux femmes catholiques qu’elle capture, elle fait couper les mamelles et les pouces pour les rendre impropres à l’allaitement et au travail. Elle est plus acharnée que son mari en matière religieuse : elle n’a de cesse de convertir toute la noblesse à l’hérésie, par ses charmes autant que ses menaces. »
    Prenant son front entre ses mains, Augustin demeurait circonspect. « Ainsi, cela est vrai : les femmes cathares prêchent comme les hommes. Cela est contraire à nos règles les plus anciennes.
    — Elle s’en moque bien, la mégère ! Elle est la prédicatrice prostituée que nous annonce l’Apocalypse. Mais les cavaliers de la croisade sauront rétablir l’ordre parmi la gent hérétique. »

    Augustin sentit tout à coup le poids du voyage tomber sur ses épaules. La fatigue venait autant de sa marche forcée que de la lassitude des tourments de la guerre. Trouverait-il seulement trois compagnons pour établir un dialogue pacifique autour de la richesse de l’Église et de la pauvreté du Christ ?

2
    La grande salle seigneuriale de Castelnaud était d’une beauté austère. Peaux de bêtes et trophées de chasse y alternaient avec de lourdes tentures où dominaient le rouge et l’or. Les couleurs des comtes de Toulouse, avec sa croix boulée, s’alliaient aux armes des Cazenac : d’or à deux chiens de gueule.
    « Non pas des chiens, mais des loups », préférait dire le maître des lieux. Ce grand veneur aimait à éprouver son courage en servant au poignard, à la seule force de ses bras vigoureux, les loups, les ours, les sangliers et les cerfs qui s’aventuraient sur ses terres. Aussitôt le gibier cerné, il mettait pied à terre, tirait sa lame de dessous l’escoffe de fourrure brune qui le recouvrait tout entier, se ruait sur sa proie et empoignait, embrassait le fauve avant de l’égorger. Parfois, au grand dam de ses gens, il lui arrivait d’épargner l’Ysengrin combatif et féroce qui avait su lui résister avec bravoure. Il y voyait la réincarnation d’un noble guerrier, condamné à revenir sur terresous la forme d’un loup, pour y avoir, tel le roi David, répandu trop de sang. « Prends ta chance et rachète-toi, frère loup », disait-il.
    Bernard de Cazenac aimait à rappeler ses origines d’humble chevalier. « Ni or, ni argent, seulement l’honneur », telle était sa devise. Malgré sa grande carrure et sa force colossale, cet homme brun, de belle figure et bien instruit, aimait les arts et les lettres, et n’hésitait pas à taquiner la rime. « Roi point ne suis, ni duc, ni comte aussi, mais le seigneur du haut château, en son royaume de Castelnaud. »

    Assis sur d’étroites chaises en bois tourné, au dossier bas, Bernard de Cazenac, son épouse Alix et leur fille Blanche écoutaient le chant mélodieux de Guilhem le troubadour. Les notes les plus hautes, presque grêles, racontaient l’histoire d’une bergère qui était en réalité une princesse. La voix du chanteur se faisait grinçante quand il parodiait la mauvaise sorcière qui tenait enfermée dans un cachot la belle enfant, pour l’empêcher de rejoindre sa riche destinée. Bernard souriait de plaisir à l’écoute de ces vers qu’il avait lui-même inspirés. Ce chant symbolique parlait de la liberté des âmes qui circulaient, au gré des réincarnations, de la pauvreté au luxe, du servage à la noblesse, ainsi que du rôle néfaste de l’Église catholique qui

Weitere Kostenlose Bücher