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Le talisman de la Villette

Le talisman de la Villette

Titel: Le talisman de la Villette Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Claude Izner
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s’était produite, j’aurais eu loisir de regarder tout ce qu’elle a de plus précieux à cacher !
    — Oh, vous fâchez pas, c’que j’en dis…
    — Vous m’avez posé une question, répliqua Corentin d’un ton conciliant, je vous réponds. Servez-vous de café.
    C’était trop demander à la mère Guénéqué que d’accepter de bonne grâce.
    — Ben, et vos chaises ? En v’là du gâchis ! Elle va rester ici, c’te p’tite dame ?
    — Je vous attendais pour aller solliciter les religieuses gardes-malades d’envoyer quelqu’un la chercher.
    — Si j’étais vous, j’f’rais vinaigre. Quand mon pauvre homme a plongé cul par-dessus tête au fond de la cuve à cidre, ses copains l’ont secoué tant et plus jusqu’à c’qu’il dégorge. Mais l’cœur a lâché.
    — Je pars. Tisonnez le feu. Si elle se réveille et veut manger, il y a des œufs et de l’andouille fraîche dans le buffet.
    — Rassurez-vous, elle mourra pas d’faim. J’m’en vas lui cuire une soupe.
    Elle marmonna en retroussant ses manches :
    — Tout ermite qu’on soit, on n’en a pas moins ses Faiblesses.
    Corentin Jourdan aspira une bouffée d’air humide, soulagé d’échapper au confinement. Les bourrasques avaient malmené les rosiers et les mauves, les arbres étaient courbés en éventails, les corneilles voletaient çà et là parmi les branches brisées. Le fournil pleurait, les oies cacardaient dans la courette blanchie de fientes.
    Il délivra Flip qu’il harnacha près du puits. Le cheval, un anglo-normand au profil busqué, ébroua sa crinière, signe de joie à la perspective de fuir lui aussi sa prison. Son maître en selle, la jambe gauche hors de l’étrier, il longea la grève, ponctuant de hennissements la mélopée des mouettes.
    Ils franchirent la Biale au son du glas. Une foule silencieuse se regroupait devant le portail de l’église surmonté du relief de saint Martin. Bientôt, les fossoyeurs d’Urville creuseraient de nouvelles tombes.
    Il dut cogner plusieurs fois le lourd battant avant que le guichet ne s’entrebâille. Une jeune religieuse le dévisageait. Il exposa son cas, la sœur rétorqua que la mère supérieure allait faire le nécessaire dès que possible mais que tous les lits étaient occupés à cause de la tourmente. Il insista.
    — Cette femme a la fièvre, qui sait combien de temps elle a séjourné dans l’eau ? C’est miracle qu’elle soit encore de ce monde.
    Une religieuse plus âgée écarta la novice et examina Corentin en rajustant ses bésicles.
    — Sœur Ursule dit vrai, capitaine Jourdan, nous sommes débordées. Toutefois je vais vous expédier Landry, le fils du jardinier, nous logerons cette personne à l’annexe.
    Il remercia chaleureusement la supérieure, qui avait un penchant pour ses yeux noirs parce qu’un jour de l’hiver 92 il avait aidé à réparer la façade de l’infirmerie à demi éboulée, et n’avait consenti à recevoir en guise de salaire qu’un bol de café et deux tartines.
    Elle tint parole. Cinq minutes plus tard, la tignasse carotte de Landry cahotait derrière le bidet des religieuses en direction de Landemer. Corentin Jourdan surveilla de loin la carriole bringuebalant sur le chemin sillonné d’ornières.
    À l’abri de l’écurie, il guetta le garçon et la mère Guénéqué qui transportaient tant bien que mal la femme emmaillotée telle une momie.
    Lorsque Landry eut dépassé le virage, Corentin dessella son cheval et le laissa pâturer.
    — Vous les avez ratés, commenta la mère Guénéqué.
    Fixé à une crémaillère, un chaudron clapotait à petits bouillons et fleurait bon les légumes aux lardons.
    — L’a point ouvert les yeux ni l’ bec, la malheureuse.
    Son nettoyage du rez-de-chaussée achevé, la mère Guénéqué enfila sa pèlerine. Le grenier était un domaine interdit à sa curiosité, sauf en l’absence du propriétaire.
    — J’ m’ en vas chez l’ père Pignol.
    — Pensez à lui signaler, à propos du toit. La bonace est proche, néanmoins…
    — Dormez sur vos deux oreilles. Et à mercredi, capitaine. Dégotez-moi la lessiveuse, y a une tonne de linge à laver.
    Elle darda un regard irrité sur Gilliatt vautré au milieu des draps.
    Corentin Jourdan poussa un soupir. Peu d’heures avaient suffi à une inconnue pour chambouler sa routine. Il s’affala auprès du matou, recru de fatigue.
    Au mitan de la nuit, il émergea, fourgonna les braises et les couronna des

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